Date et lieu
- 20 et 21 mai 1813 sur les rives de la Sprée près de Bautzen, ville allemande (de nos jours dans le land de Saxe, près de la frontière tchèque).
Forces en présence
- Armée française, augmentée de troupes du Wurtemberg, de Bade, de Hesse, de Saxe et du royaume d'Italie (150 000 hommes en tout, dont 80 000 seront engagés), sous le commandement de l'Empereur Napoléon Ier.
- Armée russo-prussienne (90 à 100 000 hommes), sous les ordres du général Pierre zu Sayn-Wittgenstein, en présence du Tsar Alexandre Ier
Pertes
- Armée française, 12 à 15 000 hommes hors de combat, 800 prisonniers
- Armée russo-prussienne, 18 000 tués, blessés ou disparus
Panoramique aérien du champ de bataille de Bautzen
La situation générale
La campagne de Saxe a favorablement débuté pour les Français à la bataille de Lützen, le 2 mai 1813. Si la victoire n'a malheureusement pas pu être convenablement exploitée, faute de cavalerie, les coalisés ont cependant dû se replier sur la Sprée et Napoléon est entré à Dresde
Les coalisés, pour leur part, sont décidés à risquer une bataille générale, malgré leur infériorité numérique et une position qui n'est pas des meilleures. Leurs raisons sont plus psychologiques et politiques que militaires : une retraite prolongée aurait des effets désastreux sur le moral de leurs troupes et inquiéterait l'Autriche, qu'ils espèrent bien rallier à leur cause. Russes et Prussiens regroupent donc leurs forces et s'installent à Bautzen, non loin de l'Autriche et en bonne position pour recevoir des renforts russes si nécessaire.
Comprenant que ses adversaires sont décidés à se battre là où ils se sont retranchés, Napoléon s'avance sur Bautzen avec les corps qu'il n'a pas confiés à Ney.
20 mai 1813 : premier jour de la bataille
Position des Alliés
Les Alliés se sont disposés sur deux lignes.
La première tient les hauteurs de la rive droite (est) de la Sprée
- Guillaume Emmanuel Guignard de Saint-Priest
Guillaume Emmanuel Guignard de Saint-Priest : de Preuschwitz [51.15623, 14.40677] à Bautzen - Eugène de Wurtemberg (Евгений Вюртембергский)
Eugen von Württemberg : de Bautzen à Ochna [Oehna] [51.19935, 14.44352] - Friedrich Kleist von Nollendorf
Friedrich Kleist von Nollendorf : à Burk [51.19997, 14.46116], tenant les passages de Malschwitz [51.23763, 14.52088], Nimschütz et Nieder-Gurig - Yefim Ignatievitch Tschaplitz (Ефим Игнатьевич Чаплиц)
Yefim Ignatievitch Tschaplitz : à Klix et Salga - Sergueï Nicolaïevitch Landskoï (Сергей Николаевич Ланской)
Sergueï Nicolaïevitch Landskoï : vers Leichnam.
La seconde, qui est aussi la principale, s'appuie sur les plateaux situés plus à l'est, de Gleina
- l'extrême droite est tenue par Michel Barclay de Tolly (Михаи́л Богда́нович Баркла́й-де-То́лли) avec 9 000 hommes
- la droite par Gebhard Leberecht von Blücher
- le centre par Ludwig Yorck von Wartemburg avec 28 000 hommes en tout
- l'aile gauche par le général Andreï Ivanovitch Gortchakov (Андрей Иванович Горчавов)
Andreï Ivanovitch Gortchakov avec 12 000 soldats - une réserve de 18 000 hommes, formée de la garde Russe, se tient derrière le village de Baschütz.
Le quartier-général du roi de Prusse est à Kumschütz [51.18124, 14.53848], tandis que celui de l'empereur Alexandre 1er (Александр I Павлович Романов) est à Wurschen, au château de Wasserschloss :
Cette position, quoi que garnie de retranchements sur presque toute sa longueur, est plus fragile qu'il n'y paraît. En effet, si l'aile gauche touche aux premières pentes des monts de Lusace [Lausitz], l'aile droite, pour sa part, s'abrite derrière des cours d'eau, la Sprée et ses affluents de la rive droite, qui, guéables et marécageux, ne constituent pas des obstacles très gênants pour l'infanterie adverse. De plus, cette dernière, si elle franchit la rivière, se trouvera protégée, de par la nature même d'un terrain vallonné et boisé, de toute action défensive menée par la cavalerie alliée. Le flanc droit est donc relativement facile à déborder, malgré les étangs qui le couvrent.
Le plan de Wittgenstein
Dans l'esprit de Wittgenstein, la première ligne a comme unique fonction de forcer les Français à dévoiler leurs positions d'attaque. Elle doit se replier aussitôt ce but atteint. Ensuite, si les Français attaquent au centre, les deux ailes du dispositif se rabattront sur leurs flancs ; si, au contraire, ils attaquent l'une de ces ailes, l'autre les prendra également de flanc. Les lignes de retraite prévues passent par Weissenberg
Position des Français
Les Français, de leur côté, occupent les positions suivantes, de droite à gauche (du sud au nord) :
- Nicolas Oudinot et le XIIe Corps sont sur les hauteurs de Techritz ;
- Étienne Macdonald et le XIe Corps sont près de Breska [Birkau ou Brěza], derrière le Windmuhlenberg ;
- Auguste Viesse de Marmont et le VIe Corps sont en avant de Salz Forstgen [Salzenforst] ;
- Henri-Gatien Bertrand
Henri-Gatien Bertrand et le IVe Corps soutiennent la gauche de Marmont à Welka [Kleinwelka] et sur la route de Hoyerswerda ; - La garde et la cavalerie se tiennent sur la route de Dresde, derrière Goedau [Göda] ;
- Le quartier-général est à Salzenforst ; la veille des combats, Napoléon se rend sur le Salzenforster Chorberg [51.19324 N, 14.37649 E, altitude 266 m] pour dresser son plan de bataille.
- L'aile gauche, pour sa part, n'a pas encore rejoint le site de la bataille : le Ve Corps (Jacques Alexandre Law de Lauriston) est resté à Weissig [Eichberg], le IIIe (Ney) à Maukendorf, le VIIe (Jean-Louis-Ebénézer Reynier) devant Hoyerswerda, le IIe (Victor), qui a progressé de Wittenberg vers Dahme et Golßen, y est au contact des Prussiens et des Russes.
Le tout représente théoriquement 150 000 hommes qui font face à 100 000 coalisés. Le plan de l'Empereur prévoit de tourner les Alliés par leur droite, en coupant leur ligne de retraite pour les forcer à se réfugier au sud, dans les montagnes.
Les combats
Le 20 mai, Napoléon donne le signal de l'attaque. Les maréchaux entament la manoeuvre prévue. Oudinot a ordre de franchir la Sprée par la droite (sud) à Singwitz, Macdonald par le centre à Bautzen, ceci dans le but de détourner l'attention de l'ennemi vers son aile gauche. Marmont doit traverser à une demi-lieue en aval de la ville et Bertrand à Nimschütz et à Nieder-Gurig. Le VIe Corps est chargé de venir boucher le trou que va laisser le IVe en allant appuyer Ney à gauche (nord). Car ce dernier a pour mission d'attaquer Klix avec les IIIe, Ve et VIIe Corps, de contourner l'aile droite ennemie et de se diriger sur Wurschen. La Garde et les réserves sont postées derrière le XIe corps de Macdonald.
Macdonald s'empare du pont de pierre
Au bout de cinq heures de combats opiniâtres, le VIe Corps occupe Seydau, le XIe s'est emparé des hauteurs de Priswitz [Preuschwitz], le 12ème de celles d'Ebendorf [Ebendörfel] et de Postewitz [Grosspostwitz]. Marmont fait alors attaquer Bautzen par la division de Jean Dominique Compans
Pendant ce temps, le XIIe Corps progresse jusqu'aux hauteurs de Kunitz, appuyé par le XIe qui se place lui sur celles de Klein Jenkowitz. Lorsque Kleist et Miloradowitch atteignent leurs retranchements, Marmont se place face à ceux-ci et sur les ondulations de terrain qui les dominent après avoir pris le village de Nieder-Kayna, ce qui dégage le chemin de Bertrand. Le IVe Corps de ce dernier franchit alors la Sprée à son tour et se heurte à la division d'Hans Ernst Karl von Ziethen
Bilan provisoire
A sept heures du soir, la première journée de la bataille est terminée. A huit heures, Napoléon entre dans Bautzen. Il n'a atteint qu'une partie de ses objectifs : plusieurs de ses corps ont bien franchi la Sprée mais sa ligne de bataille reste coupée par ceux de Bluecher, qui occupe toujours Krekwitz [Kreckwitz]
En outre, si Ney a rejoint, il n'a pu amener avec lui l'ensemble de ses forces et n'a pas encore franchi la rivière, si bien que le débordement des forces coalisées n'est pas encore entamé. Enfin, les Alliés sont retranchés sur une position qu'ils regardent comme inexpugnable et qui peut encore leur valoir la victoire. Cette première journée n'est pour eux que le prélude à la bataille générale du lendemain.
21 mai 1813 : second jour de la bataille
Nouvelles dispositions
Le 21, les Coalisés procèdent à quelques changements dans leurs dispositions. Miloradowitch prend le commandement de l'aile gauche, renforcée par les troupes du prince de Wurtemberg, et se positionne sur les hauteurs qui dominent la gauche des retranchements. Ceux-ci sont occupés par le prince Gortchakov, entre Baschütz et Hochkirch
Les combats
Le commandement allié, qui suppose que Napoléon va tenter de le tourner par le sud, est conforté dans son idée par les premiers mouvements français de la journée. L'Empereur, qui s'est installé sur les hauteurs de Nieder-Kayna, d'où il peut voir le plus gros du champ de bataille
Pendant que l'attention de l'ennemi est ainsi attirée sur l'autre extrémité du front, Ney, avec les IIIe et Ve Corps, prend Klix, passe la Sprée et attaque Barclay, dont le centre est enfoncé. Le général russe recule pour se reformer entre Gleina et l'étang de Malschwitz
Vers une heure de l'après-midi, Blücher envoie Kleist reprendre Preititz, dont la perte définitive l'obligerait à quitter sa position. Les Prussiens récupèrent le village mais ne peuvent progresser davantage. Ney en profite pour installer son artillerie sur les hauteurs de Malschwitz et bombarder les retranchements de Krekwitz
Pendant ce temps, Napoléon a lancé le VIe Corps à l'assaut des retranchements ennemis par la route de Görlitz et Baschütz, afin d'empêcher l'aile gauche alliée de venir à la rescousse de l'aile droite en difficulté. Un peu plus tard, il charge le IVe Corps, sous le commandement du maréchal Jean-de-Dieu Soult, d'assaillir frontalement Bluecher. Les Français culbutent la division Ziethen à Pliskowitz et Doberschütz puis installent leur artillerie et se mettent à pilonner celle de l'ennemi positionnée devant Krekwitz. Une fois les canons alliés réduits au silence, l'infanterie, formée en colonne, soutenue par la cavalerie wurtembergeoise, attaque le village qui est emporté malgré les renforts rappelés de Preititz par Blücher. Celui-ci recule sur Purschwitz, suivi par le IVe Corps français, et fait appel à Yorck, qui débouche de Litten et reprend Krekwitz.
Mais ce faisant, les Alliés ont lancé dans la bataille leurs dernières troupes. Napoléon fait aussitôt donner ses réserves. La Garde et la division de cavalerie de Victor de Faÿ de Latour-Maubourg
Vers quatre heures de l'après-midi, Ney, de son côté, a repris le village de Preititz. Mais au lieu de marcher aussitôt sur Wurschen, comme cela lui a été prescrit, il fait avancer sept de ses divisions sur les hauteurs entre Doberschütz et Klein-Bautzen. Le rassemblement de tant de troupes, qui se mélangent sur leurs ailes à d'autres corps français, provoque une confusion qui laisse aux alliés le temps de se replier en bon ordre. Ce n'est qu'à cinq heures que Ney se met en route en direction de Wurschen, sans plus aucune chance de déborder par leur droite les corps de Barclay et de Kleist. Vers sept heures, les IIIe et Ve Corps sont à Wurschen tandis que ceux de Bluecher, Yorck, Kleist et Barclay se retirent sur Weissenberg.
Sur la droite française (au sud), le VIe Corps, qui a pénétré les retranchements des coalisés, pivote sur sa droite pour prendre à revers la gauche ennemie tandis que le XIe attaque cette dernière par Gross-Jenkowitz et que le XIIe reprend l'offensive. Miloradowitch n'a plus alors d'autre possibilité que de se retirer sur Löbau.
Toujours aussi pauvre en cavalerie, Napoléon ne peut faire poursuivre l'ennemi avec toute l'efficacité nécessaire et doit le laisser faire retraite en bon ordre.
Bilan des deux journées
Au soir de la bataille, l'armée française s'étend de Hochkirch à Wurschen, le quartier général français étant installé à l'auberge de Klein Purschwitz
Les pertes alliées sont de 18 000 hommes environ, auxquels s'ajoutent quelques milliers de prisonniers. Celles des Français sont de 12 à 15 000 hommes.
Bien qu'ils aient eux-mêmes choisi le terrain et provoqué l'affrontement là où ils ont tout préparé pour vaincre, les alliés ont encore une fois été battus par suite de leur incapacité à prévoir et à contrecarrer les combinaisons stratégiques napoléoniennes. Par malheur, les mauvais choix de Ney ont stérilisé une victoire qui aurait pu se transformer en triomphe et voir la destruction de l'armée alliée.
Suites de la bataille
Au soir du 21 mai, pauvre en cavalerie depuis le commencement de la campagne de Saxe (les pertes de l'année précédente n'ont pu être compensées), Napoléon ne peut faire donner la chasse à l'ennemi avec toute l'efficacité nécessaire et doit le laisser faire retraite en bon ordre.
Ce n'est que le lendemain que la poursuite s'organise. Le VIIe Corps du général Jean-Louis-Ébénézer Reynier
Arrivés à Markersdorf
Transporté dans une chambre de la ferme
Conséquences générales
La bataille de Bautzen et ses suites n'ont fait qu'affaiblir les belligérants, ce qui est évidemment plus problématique pour Napoléon que pour les Alliés. L'Empereur se laisse donc convaincre dès le 2 juin suivant de conclure un armistice pour sept semaines.
Entre temps, le 25 mai, le général russe Wittgenstein a été relevé de son commandement au profit de Michel Barclay de Tolly.
Tableau - "La bataille de Bautzen en 1813 - Napoléon, entouré de ses officiers, reçoit un messager". D'après Hippolyte Bellangé.
La bataille de Bautzen est également connue sous les noms de "bataille de Wurschen" et parfois de "bataille de Hochkirch" (à ne pas confondre avec la bataille de Hochkirch entre l'Autriche et la Prusse en 1758).
Une bataille opposera sur le même terrain les troupes de l'Armée Rouge (renforcée de divisions polonaises) à celles du IIIe Reich du 21 au 26 avril 1945.