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Napoléon & Empire

Bataille de Château-Thierry

Date et lieu

  • 12 février 1814 à Château-Thierry, ville du département de l'Aisne, en Picardie (actuellement en région Hauts-de-France).

Forces en présence

  • Armée française (20 000 hommes) sous le commandement de l'Empereur Napoléon Ier. 
  • Armée russo-prussienne (30 000 hommes) sous les ordres du général Hans David Ludwig Yorck von Wartenburg. 

Pertes

  • Armée française : autour de 600 morts ou blessés. 
  • Armée russo-prussienne : près de 3 000 hommes morts, blessés ou prisonniers. 

Panoramique aérien du champ de bataille de Château-Thierry


La situation générale

Au lendemain de la victoire de Montmirail du 11 février 1814, la situation, telle que Napoléon peut la connaître, est la suivante : le maréchal Marmont est à Etoges Etoges d'où il surveille Gebhard von Blücher qui ne manifeste aucune intention de se replier ; le maréchal Macdonald est bloqué sur la rive droite de la Marne, à Meaux Meaux, par la destruction du pont de Trilport, et incapable de rejoindre l'Empereur ; sur la Seine, l'ennemi a pris Sens Sens, mais les Français tiennent toujours Pont-sur-Yonne, ainsi que Nogent, occupée par le maréchal Victor.

L'Empereur décide d'achever la destruction des corps des généraux Yorck von Wartenburg et Osten-Sacken. Pour cela, il commence par organiser leur poursuite, qui n'a pu être entreprise efficacement la veille par des troupes harassées. Deux divisions d'infanterie et deux de cavalerie sont envoyées en direction de Château-Thierry par la route directe passant par Fontenelle, sous les ordres des maréchaux Ney et Mortier. Napoléon, de son côté, se dirige à l'ouest vers Viels-Maisons Viels-Maisons Viels-Maisons (vue numéro 2) avec les trois divisions d'infanterie restantes. Il y laisse quelques bataillons puis oblique vers le nord en direction de Mont-Cel-Anger Mont-Cel-Anger.

Pour leur part, Yorck et Sacken ont fait leur jonction au petit matin et se retirent vers Château-Thierry Château-Thierry où ils ont l'intention de passer la Marne La Marne à Château-Thierry. Pour protéger ce mouvement rétrograde, l'infanterie prussienne barre la route au niveau des Grandes Noues Les Grandes Noues (au sud de la commune de Nesles-le-Château), appuyée par les cavaleries russes et prussiennes. Une arrière-garde est disposée un peu plus au sud, entre les Caquerets Les Caquerets (vue numéro 1) et Viffort Viffort Viffort (vue numéro 2), sur les rives du Dolloir Le Dolloir.

Premiers accrochages

Le maréchal Mortier est le premier à tâter la résistance du dispositif. Puis Napoléon atteint Montfaucon Montfaucon et une tentative d'encerclement des forces prussiennes se développe sur leur droite. Le Dolloir est franchi Pont sur le Dolloir ; les Caquerets Les Caquerets (vue numéro 2) sont attaqués ; les Prussiens se retirent.

Cependant, et contre toute attente, Yorck et Sacken décident finalement d'accepter le combat plutôt que de traverser au plus vite la Marne. Probablement jugent-ils nécessaire de gagner un peu de temps pour ne pas devoir abandonner leurs bagages derrière eux, voire une partie de leurs soldats.

Vers treize heures, les troupes russo-prussiennes s'installent donc pour défendre le plateau de Nesles Plateau de Nesles. L'infanterie se retranche autour et dans la ferme de la Trinité Ferme de la Trinité. Une partie de la cavalerie l'appuie en se tenant devant Nesles Nesles-la-Montagne Nesles-la-Montagne tandis que le reste protège l'aile gauche près de la ferme de Petit-Ballois Ferme du Petit-Ballois (vue numéro 1) Ferme du Petit-Ballois (vue numéro 2).

Le combat

Les Français, avançant sur les talons de leurs adversaires, s'emparent des Petites-Noues Les Petites Noues. Puis leur cavalerie, commandée par le général Etienne Champion de Nansouty, s'en prend à l'aile gauche ennemie en tentant un mouvement tournant, cette fois par l'est, qui fait peser un lourd danger sur la ligne de retraite des alliés. Ceux-ci, victimes de leur double commandement, reçoivent des ordres contradictoires qui les handicapent au pire moment. Les cavaliers russes finissent par quitter le champ de bataille pour se replier vers le pont qui représente leur seule planche de salut. Sur ces entrefaites, la cavalerie française attaque son homologue prussienne, restée seule à l'affronter. Le combat s'engage, fait de charges et de contre-charges, et se termine par la retraite des Prussiens qui suivent l'exemple russe en se dirigeant eux aussi vers la Marne.

Ce repli découvre la gauche de l'infanterie alliée. L'infanterie de la Garde puis les réserves de cavalerie encore disponibles en profitent pour se jeter sur elle. Se formant en carrés, l'ennemi tente de reculer vers Château-Thierry mais il est bientôt submergé et plusieurs carrés sont totalement détruits. Quelques régiments mettent bas les armes. Le plateau de Nesles est totalement entre les mains des Français.

Le reste des troupes russo-prussiennes n'a plus d'autre choix que de se retirer en hâte vers Château-Thierry. La retraite s'effectue dans un ordre tout relatif, les vaincus se pressant pour se mettre en sûreté, ce qui donne à la cavalerie française l'occasion de charger cette foule accumulée devant l'entrée du seul pont qui franchisse la Fausse-Marne La Fausse-Marne à Château-Thierry.

Château-Thierry : la Fausse-Marne et le Faubourg de Marne
La Fausse-Marne et le Faubourg de Marne à Château-Thierry

L'infanterie française doit toutefois se contenter de prendre le Faubourg de Marne et ne peut ni poursuivre l'ennemi, ni l'empêcher de couper, derrière lui, le pont Le pont sur la Marne à Château-Thierry qui sépare le faubourg de la ville proprement dite, d'autant que l'artillerie prussienne, installée sur la rive droite, la bombarde intensément.

Bilan de la bataille

Pour la troisième fois en trois jours, les Français ont bousculé les alliés. Mais ils n'ont toujours pas réussi à les détruire. Le maréchal Macdonald, qui se trouve à Meaux, à une grosse journée de marche, n'est pas en état ou ne trouve pas l'énergie de compléter sur la rive droite la victoire obtenue sur la rive gauche. Quant à la poursuite, elle ne peut s'engager que tardivement, une fois de plus, par suite du temps nécessaire à la remise en état du pont. Cela fait, c'est à nouveau Mortier qui est envoyé sur les traces de Yorck et Sacken, en plein repli sur la route de Soissons.

La disproportion des pertes dit bien l'ampleur du succès : de 2 à 3 000 hommes pour les alliés, elles ne dépassent probablement pas les 600 dans l'armée impériale.

Tableau - "Combat de Château-Thierry le 12 février 1814, trois ou quatre heures du soir". Aquarelle de Jean Antoine Siméon Fort, dit Siméon Fort.

Batailles napoléoniennes - Tableau de la bataille de Château-Thierry  -

Au soir de la bataille, Napoléon passe la nuit dans la ferme du Lumeron Ferme du Lumeron (vue numéro 1) Ferme du Lumeron (vue numéro 2), tandis que le quartier-général s'établit dans le Château de Nesles, aujourd'hui disparu (un monument commémoratif Emplacement du château de Nesles en indique l'emplacement).

Témoignages

Bulletin du 12 février 1814

A Sa Majesté l'Impératrice-reine et régente.

[...]

Le lendemain, 12, à neuf heures du matin, le duc de Trévise suivit l'ennemi sur la route de Château-Thierry. L'ennemi soutenait sa retraite avec huit bataillons qui étaient arrivés tard la veille et qui n'avaient pas donné. Il les appuyait de quelques escadrons et de 3 pièces de canon. Arrivé au petit village des Caquerets, il parut vouloir défendre la position qui est derrière le ruisseau et couvrir le chemin de Château-Thierry. Une compagnie de la vieille garde se porta sur la Petite-Noue, culbuta les tirailleurs de l'ennemi qui fut repoussé jusqu'à sa dernière position. Six bataillons de la vieille garde, à toute distance de déploiement, occupaient la plaine, à cheval sur la grande route. Le général Nansouty avec les divisions de cavalerie des généraux Laferrière et Defrance, eut ordre de faire un mouvement à droite, et de se porter entre Château-Thierry et l'arrière-garde ennemie. Ce mouvement fut exécuté avec autant d'habileté que d'intrépidité. La cavalerie se porta de tous les points sur sa gauche pour s'opposer à la cavalerie française ; elle fut culbutée et forcée de disparaître du champ de bataille. Le brave général Letort avec les dragons de la 2e division de la garde, après avoir repoussé la cavalerie de l'ennemi, s'élança sur les flancs et les derrières de huit masses d'infanterie qui formaient l'arrière-garde ennemie. Cette division brûlait d'égaler ce que les chevaux-légers, les dragons et les grenadiers à cheval du général Guyot avaient fait la veille.

Elle enveloppa de tous côtés ces masses et en fit un horrible carnage. Les 3 pièces de canon, le général russe Frendenreich, qui commandait cette arrière-garde, ont été pris. Tout ce qui composait ses bataillons a été pris ou tué. Le nombre des prisonniers fait dans cette brillante affaire s'élève à plus de 2,000 hommes. Le colonel Curely, du 10e de hussards, s'est fait remarquer, ainsi que le chef de bataillon Laidet. Nous arrivâmes alors sur les hauteurs de Château-Thierry, d'où nous vîmes le reste de cette armée fuyant dans le plus grand désordre et gagnant en toute hâte ses ponts.

Les grandes routes leur étaient coupées ; ils cherchèrent leur salut sur la rive droite de la Marne. Le prince Guillaume de Prusse, qui était resté à Château-Thierry avec une réserve de 2,000 hommes, s'avança à la tête des faubourgs pour protéger la fuite de cette masse désorganisée. Deux bataillons de la garde arrivèrent alors au pas de course. A leur aspect, le faubourg et la rive gauche furent nettoyés ; l'ennemi brûla ses ponts et démasqua sur la rive droite une batterie de 12 pièces de canon. 500 hommes de la réserve du prince Guillaume ont été pris.

Le 12, au soir, l'Empereur a pris son quartier-général au petit château de Nesle.

Le 13, dès la pointe du jour, on s'est occupé à réparer les ponts de Château-Thierry.

L'ennemi ne pouvant se retirer ni sur la route d'Épernay, qui lui était coupée, ni sur celle qui passe par la ville de Soissons que nous occupons, a pris la traverse dans la direction de Reims. Les habitants assurent que, de toute cette armée, il n'est pas passé à Château-Thierry 10,000 hommes, dans le plus grand désordre. Peu de jours auparavant, ils l'avaient vue florissante et pleine de jactance. Le général d'Yorck disait que 12 obusiers suffiraient pour se rendre maître de Paris. En allant, ces troupes ne parlaient que de Paris ; en revenant, c'est la paix qu'elles invoquaient.

On ne peut se faire une idée des excès auxquels se livrent les cosaques ; il n'est pas de vexations, de cruautés, de crimes, que ces hordes de barbares n'aient commis. Les paysans les poursuivent, les traquent dans les bois comme des bêtes féroces, s'en saisissent et les mènent partout où il y a des troupes françaises. Hier, ils en ont conduit plus de 300 à Vieux-Maisons.

Tous ceux qui sont cachés dans les bois, pour échapper aux vainqueurs, tombent dans leurs mains, et augmentent à chaque instant le nombre des prisonniers.

Les opérations de la Campagne de France de 1814  Les opérations de la Campagne de France de 1814

Carte de la Campagne de France de 1814  Afficher la carte de la Campagne de France de 1814

La Campagne de France de 1814 jour après jour  La Campagne de France de 1814 jour après jour

Crédit photos

 Photo de Lionel A. Bouchon Photos par Lionel A. Bouchon.
 Photo de Marie-Albe Grau Photos par Marie-Albe Grau.
 Photo de Floriane Grau Photos par Floriane Grau.
 Photo de Michèle Grau-Ghelardi Photos par Michèle Grau-Ghelardi.
 Photo de Didier Grau Photos par Didier Grau.
 Photo de divers auteurs Photos par des personnes extérieures à l'association Napoléon & Empire.

Crédit vidéo

Les prises de vues sont de Didier Grau, le montage de Lionel A. Bouchon.