Date et lieu
- 15-17 novembre 1796 au pont d'Arcole, sur la rivière Alpone (ou Alpon), près de son confluent avec l'Adige, à 28 kilomètres au sud-est de Vérone (actuellement en province de Vérone, Italie).
Forces en présence
- Armée française (19 000 à 22 000 hommes selon les sources) sous le commandement du général Napoléon Bonaparte.
- Armée autrichienne (21 000 à 24 000 hommes selon les sources) sous les ordres du baron Josef Alvinczy von Borberek.
Pertes
- Armée française : de 4 000 à 6 000 hommes tués, blessés, disparus ou prisonniers
- Armée autrichienne : de 5 000 à 8 000 hommes tués, blessés, disparus ou prisonniers, 11 canons
Panoramique aérien du champ de bataille et du pont d'Arcole
Situation générale
La bataille d’Arcole intervient vers la fin de la troisième offensive autrichienne — dirigée cette fois par le général Josef Alvinczy von Borberek — effectuée en vue de délivrer la ville de Mantoue [Mantova]
Au moment où va débuter la bataille, Bonaparte vient, contrairement à ses habitudes, de subir deux échecs. Sur la Brenta
Bonaparte conçoit donc un nouveau plan. Celui-ci prévoit de repasser l’Adige à Ronco pour attaquer les Autrichiens là où ils s’y attendent le moins, c’est-à-dire sur leur flanc gauche. À ce stade de sa campagne, Alvinczy peut en effet décider soit de se maintenir sur ses positions à Caldiero, soit de marcher sur Vérone
Au-delà de Ronco et jusqu’à l’Alpone
Le 14 novembre, Bonaparte et son armée se mettent en marche. À la tombée du jour, ils trouvent le pont de bateaux établi à Ronco. Les Autrichiens, comme espéré, semblent totalement absents de cette partie du cours de l’Adige et l’ouvrage s’est bâti sans coup férir. Les Français prévoient de franchir le fleuve le lendemain à l’aube. Pendant ce temps, Alvinczy s’est avancé de Caldiero
15 novembre 1796
Aux premières lueurs du jour, comme prévu, les Français traversent l'Adige puis se séparent en deux colonnes qui s’engagent en sens opposé sur la digue qui en longe la berge gauche. L'une se dirige vers Porcil en suivant le cours du fleuve vers l'amont, l’autre doit gagner Arcole et le pont [45.35731, 11.27769]
Bonaparte ne s’attend pas à rencontrer sur ce dernier point une vive opposition puisque les Autrichiens paraissent s’être contentés de surveiller la région. De toute façon, il ne peut engager toutes ses forces vers Porcil, même si cette direction le rapproche plus vite de son but, en laissant potentiellement sa ligne de retraite aux mains de l’ennemi. Il envoie donc la division Charles Augereau vers Arcole et celle d’André Masséna en direction de Porcil. Prés du hameau de Bionde, cette dernière se heurte au régiment de Gabriel Anton Splény de Miháldy
Augereau, pour sa part, fait face à de bien plus grandes difficultés. La digue que ses bataillons empruntent, et qui longe la rive droite sur deux kilomètres environ, a sa pareille sur la rive gauche. À l’arrivée de l’ennemi, les Autrichiens de la brigade du colonel Wenzel Karl Brigido, qui tient Arcole, y installent leur infanterie et accueillent les Français avec un feu de mousqueterie presque à bout portant. L’avant-garde d’Augereau fait volte-face avant d’arriver au pont. Lui-même parvient à planter un drapeau français sur l’ouvrage mais son exemple ne suffit pas à entraîner ses hommes. Ses généraux, à leur tour, rivalisent d’intrépidité pour renverser le cours des choses à force d’audace et d’héroïsme. Jean Lannes, Jean Antoine Verdier
Voyant la situation lui échapper, Bonaparte harangue ses troupes, leur rappelant Lodi, puis, imitant Augereau, se rue sur le pont
Les Français renoncent à forcer le passage. Ils prendront enfin le village à la tombée de la nuit, par l’intermédiaire de la brigade du général Jean Joseph Guieu. Ce dernier, envoyé en cours de journée passer l’Adige par bac à Albaredo
En effet, averti vers 10 heures du passage de soldats français sur la rive gauche de l’Adige, à Ronco, Alvinczy n’y voit d'abord qu’une démonstration visant à lui faire éparpiller ses unités. Mais il change peu à peu d'opinion et finit par redistribuer ses troupes. Il laisse devant Vérone le prince Friedrich Franz Xavier von Hohenzollern-Hechingen
Anton Ferdinand Mittrowsky, avec quatorze autres bataillons, occupe l’espace entre San Bonifacio
À l'issue des combats, Bonaparte juge sa position médiocre. Les deux divisions Augereau et Masséna sont éloignées de cinq kilomètres l’une de l’autre avec entre elles un marais [de nos jours asséché]
16 novembre 1796
Le 16, au matin, Bonaparte lance son armée à l’attaque dans les mêmes dispositions que la veille. Mais, cette fois, Alvinczy s’est lui aussi décidé à prendre l’offensive. Il a franchi le pont d’Arcole et s’avance à la tête d'une première colonne autrichienne, pendant qu'une seconde, emmenée par Provera, progresse depuis Porcil. Comme la veille, Masséna refoule cette dernière jusqu’au hameau en lui infligeant de lourdes pertes. Augereau, lui, repousse ses adversaires au-delà du pont d’Arcole mais, malgré tous ses efforts, ceux de ses meilleures troupes et de ses généraux les plus braves, il ne parvient toujours pas à le franchir.
Bonaparte, pour sa part, tente de passer l’Alpone près de son confluent avec l’Adige, sans l’aide d’un pont mais au moyen de fascines jetées dans le torrent.
Cette tentative est un échec, le courant emportant les fagots. L’adjudant-général Honoré Vial et sa demi-brigade s'efforcent ensuite de passer à pied, bien que l’eau leur arrive aux épaules, mais le feu autrichien les oblige à renoncer.
Alvinczy ne parvient pas davantage à faire basculer le cours de la bataille. Sa tentative d’avancer son infanterie de San Bonifacio à Arcole en empruntant les digues qui longent l’Alpone échoue face à une compagnie française munie de deux canons.
Le soir, la situation n’a pas sensiblement évolué, sinon qu’Arcole se trouve à nouveau aux mains des Autrichiens. Les Français se replient encore au sud de l’Adige, laissant une demi-brigade de la division Augereau à la garde du pont de Ronco.
17 novembre 1796
Le lendemain, 17 novembre, les Français reprennent l’offensive avec des dispositions quelque peu modifiées. Le bilan des deux journées précédentes peut en effet leur apparaître globalement favorable. Les pertes en hommes et en matériel ont été jusque là sensiblement plus élevées, au total, pour les Autrichiens que pour les Français, les succès de ceux-ci du côté de Porcil faisant plus que compenser leurs échecs devant Arcole. Dans ces conditions, Napoléon, ayant désormais pris la mesure de son adversaire, est en droit d’estimer qu’une attaque supplémentaire peut convaincre Alvinczy de se retirer.
Le nouveau plan prévoit l’assaut d’Arcole par le gros de la division Masséna, dont seule une demi-brigade sera détachée pour être déployée devant Porcil afin d’en verrouiller la digue. La division Augereau, elle, doit franchir l’Alpone sur un pont de chevalet établi pendant la nuit en aval d’Arcole. Enfin, la garnison de Legnago
Au point du jour, alors que les Français n’ont pas encore commencé à passer sur la rive gauche de l’Adige, Alvinczy fait avancer ses avant-gardes sur les digues de Porcil et Arcole.
Peut-être le général autrichien a-t-il été mal informé par un de ses espions, qui lui aurait annoncé la retraite de Bonaparte sur Mantoue. C’est le moment que le pont de Ronco choisit pour se rompre. Les deux demi-brigades d’Augereau laissées en surveillance sur la rive gauche se trouvent ainsi en grand danger. Heureusement, les Autrichiens se présentent par les deux chaussées longeant l’Adige, en amont comme en aval du pont, si bien que l’artillerie française, depuis l'autre berge, suffit à les arrêter le temps de réparer l’ouvrage. Deux demi-brigades de la division Masséna le franchissent aussitôt, l’une se dirigeant sur Porcil, avec Masséna lui-même à sa tête, l’autre prenant le chemin d’Arcole, guidée par le général Jean Gilles André Robert
Tandis que deux bataillons de la division Augereau assurent la sécurité du pont, les autres, au nombre de quatorze, traversent comme prévu l’Alpone. La division Masséna, forte de douze bataillons, demeure en arrière.
Les deux demi-brigades françaises qui ont refoulé les avant-gardes ennemies se trouvent maintenant aux prises avec le gros des contingents autrichiens. Elles reculent à leur tour, accablées par le nombre. Masséna fait avancer une de ses brigades restantes sur la digue de Porcil, rétablit la situation et repousse assez loin les combattants adverses pour que le pont de Ronco ne craigne plus rien de ce côté-là. De l’autre, le général Robert se replie également sur Ronco face à la poussée des Autrichiens. Mais ces derniers tombent alors dans une embuscade que Bonaparte a improvisée pendant l'engagement. Il a en effet caché trois de ses bataillons disponibles, ceux de la 32e demi-brigade, dans les halliers
Pendant ce temps, Augereau s’engage contre l’aile gauche d’Alvinczy. La position très forte qu’elle occupe, et la nature du terrain, là aussi marécageux et n’offrant que des passages trop dangereux pour y risquer une colonne, l’empêchent longtemps de tenter quoi que ce soit de décisif. Une ruse vient alors, peut-être, faire basculer la situation. Bonaparte envoie un officier et vingt-cinq guides à cheval sur un chemin qui circule entre le marais couvrant le flanc est des Autrichiens et l’Adige. La mission du petit groupe consiste, une fois arrivés à la gauche des Autrichiens, à persuader ceux-ci, en ne lésinant pas sur les sonneries de trompette, de la présence sur place d’une nombreuse cavalerie.
Qu’il soit perturbé par ce stratagème ou que l’examen de la situation lui suffise, Alvinczy décide, vers deux heures de l’après-midi, de se retirer. Le bilan qu’il peut tirer des opérations apparaît en effet franchement négatif : Augereau a franchi l’Alpone ; les troupes autrichiennes sont battues sur les deux digues ; elles se voient en outre menacées — il vient de l’apprendre — par l’irruption sur leurs arrières de renforts français arrivant de Legnago
Bilan
La bataille semble avoir coûté entre 5 000 et 8 000 hommes aux Autrichiens. Les pertes françaises se montent probablement à un total à peine inférieur, malgré les bilans officiels.
Suites de la bataille
Le 18 novembre, Bonaparte n’emploie que sa cavalerie de réserve pour poursuivre Alvinczy qui continue sa retraite. Le gros des troupes françaises se porte à la rescousse de Vaubois, encore battu par Davidovitch le 16 et le 17 aux alentours de Rivoli Veronese
Carte de la bataille d'Arcole
Tableau - "Bataille du pont d'Arcole". Peint en 1803 par Louis-Albert-Ghislain Bacler d'Albe.
À en croire l'incontournable théoricien militaire prussien Carl Philipp Gottlieb von Clausewitz, ni Napoléon Bonaparte ni Alvinczy n’ont fait montre de beaucoup de clairvoyance dans la direction des opérations, beaucoup de leurs décisions paraissant contradictoires, mal fondées et difficiles à justifier. La victoire s’est finalement donnée, selon lui, à celui qui a fait preuve du plus d’audace, d’opiniâtreté, qui a le mieux conduit les engagements partiels et qui disposait des troupes les meilleures.
Durant les opérations militaires d'Arcole, le Quartier Général de Napoléon Bonaparte se trouvait :
- à Villafranca di Verona
- à Ronco all'Adige [actuel hôtel de ville]
Un obélisque
André Estienne (1777-1837), tambour au sein de la 51ème demi-brigade de ligne, entra le 16 novembre 1796 dans la légende napoléonienne. Ce jour-là, tandis que Bonaparte et les siens éprouvaient les pires difficultés en tentant de se rendre maîtres du pont d'Arcole, il se jeta dans l'Alpone, franchit la rivière en tenant son tambour hors de l'eau et, parvenu sur la rive opposée, battit la charge. Cette action d'éclat lui valut de nombreuses distinctions. En 1802, le Premier consul lui accorda une paire de baguettes d'honneur, accompagnées d'un brevet saluant sa bravoure. Le 15 juillet 1804, Napoléon épingla en personne la croix de la légion d'Honneur sur sa poitrine. Le 2 décembre de la même année, l'Empereur le choisit pour battre, seul, du tambour lors des cérémonies du sacre. Plus tard, son effigie fut représentée sur le fronton du Panthéon et sur l'arc de triomphe de l'Etoile, en tant que symbole de courage et de fidélité. Enfin, en 1894, son village natal, Cadenet, petit bourg provençal qu'il avait quitté en 1792 comme volontaire pour rejoindre les armées de la nation, érigea une statue au "petit tambour d'Arcole".
Panoramique du champ de bataille d'Arcole
Les opérations de la Campagne d'Italie de 1776-77
Afficher la Carte de la première Campagne d'Italie