Traité de Fontainebleau du 11 avril 1814
Sa Majesté l'Empereur Napoléon d'une part, et Leurs Majestés l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohême, l'empereur de toutes les Russies et le roi de Prusse, stipulant tant en leur nom qu'en celui de tous les alliés de l'autre ; ayant nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :
Sa Majesté l'Empereur Napoléon, les sieurs Armand-Augustin-Louis de Caulaincourt, duc de Vicence, son grand écuyer, sénateur, ministre des relations extérieures, grand-aigle de la Légion d'honneur, chevalier des ordres de Léopold d'Autriche, de Saint-André, de Saint-Alexandre- Newsky, de Sainte-Anne de Russie et de plusieurs autres ; Michel Ney, duc d'Elchingen et maréchal de l'Empire, grand-aigle de la Légion d'honneur, chevalier de la Couronne de fer et de l'ordre du Christ ; Jacques-Étienne-Alexandre Macdonald, duc de Tarente, maréchal de l'Empire, grand-aigle de la Légion d'honneur et chevalier de la Couronne de fer ;
Sa Majesté l'empereur d'Autriche, le sieur Clément-Wenceslas-Lothaire, prince de Metternich, Winehourg-Sachsenhausen, chevalier de la Toison d'or, grand-croix de l'ordre royal de Saint-Etienne, grand-aigle de la Légion d'honneur, chevalier des ordres de Saint-André, de Saint- Alexandre-Newsky et de Sainte-Anne de Russie, de l'Aigle noir et de l'Aigle rouge de Prusse, grand-croix de l'ordre de Saint-Joseph de Wurtzbourg, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem et de plusieurs autres, chancelier de l'ordre militaire de Marie-Thérèse, curateur de l'Académie impériale de Sa Majesté impériale et royale apostolique, et son ministre d'état des conférences et des affaires étrangères ;
Sa Majesté l'empereur de toutes les Russies le comte de Nesslrode
Et Sa Majesté le roi de Prusse le baron de Hardenberg.
Les plénipotentiaires ci-dessus nommés, après avoir procédé à l'échange de leurs pleins pouvoirs respectifs, sont convenus des articles suivants :
Article I.
Sa Majesté l'Empereur Napoléon renonce, pour lui et ses successeurs et descendants, ainsi que pour chacun des membres de sa famille, à tout droit de souveraineté et de domination, tant sur l'Empire français et le royaume d'Italie que sur tout autre pays.
Article II.
Leurs Majestés l'Empereur Napoléon et l'impératrice Marie-Louise conserveront ces titres et qualités pour en jouir leur vie durant.
La mère, les frères, soeurs, neveux et nièces de l'Empereur conserveront également, partout où ils se trouveront, les titres de princes de sa famille.
Article III.
L'île d'Elbe, adoptée par Sa Majesté l'Empereur Napoléon pour lieu de son séjour, formera, sa vie durant, une principauté séparée qui sera possédée par lui en toute souveraineté et propriété.
II sera donné en outre en toute propriété à l'Empereur Napoléon un revenu annuel de 2 millions de francs en rentes sur le grand-livre de France, dont l million réversible à l'Impératrice.
Article IV.
Toutes les puissances s'engagent à employer leurs bons offices pour faire respecter par les Barbaresques le pavillon et le territoire de l'île d'Elbe, et pour que dans ses rapports avec les Barbaresques elle soit assimilée à la France.
Article V.
Les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla seront donnés en toute propriété et souveraineté à Sa Majesté l'impératrice Marie- Louise.
Ils passeront à son fils et à sa descendance en ligne directe.
Le prince son fils prendra, dès ce moment, le titre de prince de Parme, de Plaisance et de Guastalla.
Article VI.
Il sera réservé dans les pays auxquels Napoléon renonce, pour lui et sa famille, des domaines, ou donné des rentes sur le grand-livre de France, produisant un revenu annuel net, et déduction faite de toutes charges, de 2.500.000 francs ; ces domaines ou rentes appartiendront en toute propriété, et pour en disposer comme bon leur semblera, aux princes et princesses de sa famille, et seront répartis entre eux, de manière à ce que le revenu de chacun soit dans la proportion suivante :
A Madame mère, 300.000 francs ;
Au roi Joseph et à la reine, 500.000 francs ;
Au roi Louis, 200.000 francs ;
A la reine Hortense et à ses enfants, 400.000 francs ;
Au roi Jérôme et à la reine, 500.000 francs ;
A la princesse Élisa, 300.000 francs ;
A la princesse Pauline, 300.000 francs.
Les princes et princesses de la famille de l'empereur Napoléon conserveront en outre tous les biens meubles et immeubles, de quelque nature que ce soit, qu'ils possèdent à titre particulier, et notamment les rentes dont ils jouissent, également comme particuliers, sur le grand-livre de France ou le Monte-Napoleone de Milan.
Article VII.
Le traitement annuel de l'impératrice Joséphine sera réduit à 1 million, en domaines ou en inscriptions sur le grand-livre de France. Elle continuera à jouir en toute propriété de tous ses biens meubles et immeubles particuliers, et pour en disposer conformément aux lois françaises.
Article VIII.
II sera donné au prince Eugène, vice-roi d'Italie, un établissement convenable hors de France.
Article IX.
Les propriétés que Sa Majesté l'empereur Napoléon possède en France, soit comme domaine extraordinaire, soit comme domaine privé, resteront à la couronne.
Sur les fonds placés par l'empereur Napoléon, soit sur le grand-livre, soit sur la banque de France, soit sur les actions des canaux, soit de toute autre manière, et dont Sa Majesté fait l'abandon à la couronne, il sera réservé un capital, qui n'excédera pas 2 millions, pour être employé en gratifications en faveur des personnes qui seront portées sur l'état que signera l'Empereur Napoléon et qui sera remis au gouvernement français.
Article X.
Tous les diamants de la couronne resteront à la France.
Article XI.
L'Empereur Napoléon fera retourner au trésor et autres caisses publiques toutes les sommes et effets qui auraient été déplacés par ses ordres, à l'exception de ce qui provient de la liste civile.
Article XII.
Les dettes de la maison de Sa Majesté l'Empereur Napoléon, telles qu'elles se trouvent au jour de la signature du présent traité, seront immédiatement acquittées sur les arrérages dus par le trésor public à la liste civile, d'après les états qui seront signés par un commissaire nommé à cet effet.
Article XIII.
Les obligations du Monte-Napoleone de Milan envers tous ses créanciers, soit français, soit étrangers, seront exactement remplies, sans qu'il soit fait aucun changement à cet égard.
Article XIV.
On donnera tous les sauf-conduits nécessaires pour le libre voyage de Sa Majesté l'Empereur Napoléon, de l'Impératrice, des princes et princesses, et de toutes les personnes de leur suite qui voudront les accompagner ou s'établir hors de France, ainsi que pour le passage de tous les équipages, chevaux et effets qui leur appartiennent.
Les puissances alliées donneront en conséquence des officiers et quelques hommes d'escorte.
Article XV.
La garde impériale fournira un détachement de 12 à 1.500 hommes de toutes armes, pour servir d'escorte jusqu'à Saint-Tropez, lieu de l'embarquement.
Article XVI.
Il sera fourni une corvette armée et les bâtiments de transport nécessaires pour conduire au lieu de sa destination Sa Majesté l'Empereur Napoléon, ainsi que sa maison. La corvette demeurera en toute propriété à Sa Majesté
Article XVII.
Sa Majesté l'Empereur Napoléon pourra emmener avec lui et conserver pour sa garde 400 hommes de bonne volonté, tant officiers que sous-officiers et soldats.
Article XVIII.
Tous les Français qui auront suivi Sa Majesté l'Empereur Napoléon et sa famille seront tenus, s'ils ne veulent pas perdre leur qualité de Français, de rentrer en France dans le terme de trois ans, à moins qu'ils ne soient compris dans les exceptions que le gouvernement français se réserve d'accorder après l'expiration de ce terme.
Article XIX.
Les troupes polonaises de toutes armes qui sont au service de la France auront la liberté de retourner chez elles, en conservant armes et bagages, comme un témoignage de leurs services honorables. Les officiers, sous-officiers et soldats conserveront les décorations qui leur auront été accordées et les pensions affectées à ces décorations.
Article XX.
Les hautes puissances alliées garantissent l'exécution de tous les articles du présent traité. Elles s'engagent à obtenir qu'ils soient adoptés et garantis par la France.
Article XXI.
Le présent traité sera ratifié et les ratifications en seront échangées à Paris dans le terme de deux jours, ou plus tôt si faire se peut.
Fait à Paris, le 11 avril 1814.
Signé: Caulaincourt, duc de Vicence;
Le maréchal, duc de Tarente, Macdonald;
Le maréchal, duc d'Elchingen, Ney.
Signé : Le prince de Metternich.
Ch.-Aug., baron de Hardenberg
Ch.-Rob, comte de Nesselrode