N & E
Napoléon & Empire

Le tourisme napoléonien

D'une île à l'autre

C'est ainsi que Napoléon lui-même, au soir de son existence, aurait pu évoquer ses extraordinaires pérégrinations l'ayant amené, de sa Corse natale, à l'île d'Elbe puis à Sainte-Hélène, où il finit sa vie.

Entre ces séjours insulaires, pas moins de trois continents furent le théâtre de ses exploits, des déserts d'Asie et d'Afrique lors de l'exotique aventure égyptienne, aux quatre coins de l'Europe, et jusqu'à ses limites à l'occasion de la campagne de Russie.

Notre site web, qui propose un outil inédit de géolocalisation de chaque lieu où s'est trouvé Napoléon à chaque jour de son existence (© 2014-2015 Lionel A. Bouchon), illustre de manière fantastique leur liste que d'autres auteurs avaient publiée dans des ouvrages de référence.

Autant de lieux à visiter pour le touriste napoléonien, une espèce loin d'être en voie d'extinction, au bout de deux siècles.

Les champs de bataille sont bien évidemment les lieux qui l'attirent le plus, il n'est qu'à voir avec quel engouement la Belgique a commémoré le bicentenaire de la bataille de Waterloo. Et quelle émotion en parcourant le Chemin des Dames sur le plateau de Craonne, ou en voyant le soleil d'Austerlitz se lever au-dessus de celui de Pratzen !

Il y a aussi les lieux plus paisibles que Napoléon a fréquentés, dans son enfance (la Corse, Brienne ...) ou au début de sa carrière (Auxonne, Valence ...) puis à travers l'Empire ou le Royaune d'Italie : châteaux où il a séjourné, paysages qu'il a traversés, routes et cols qu'il a empruntés, par exemple lors de son extraordinaire "vol de l'Aigle" de 1815.

Mais l'Empire ne se limite pas à l'Empereur, comme le titre de ce site web le résume si bien : la famille impériale, les officiers, les hommes politiques, les savants, les artistes, les ennemis même, tous ont contribué à forger la légende de l'ère napoléonienne, période unique dans l'histoire de l'humanité, où tout semble avoir été possible ... On se remémorera alors ces personnages à travers leurs lieux de naissance, leurs demeures, les plaques et statues les représentant, sans oublier d'honorer leur mémoire en se recueillant sur leur sépulture.

On reconnaît également le touriste napoléonien au fait qu'au retour de chacune de ses expéditions, après avoir posé ses valises et visionné les photos et vidéos qu'il en a ramenées, il ferme alors les yeux, visiblement heureux, et murmure inévitablement : Où vais-je aller, la prochaine fois ?

Avertissement : s'approcher d'un touriste napoléonien expose à de très grands risques de contagion.

Un jour aux Invalides ...

Lors d'une de mes visites à l'Eglise du Dôme de l'Hôtel des Invalides  Les Invalides, il y a quelques années, j'admirais la fresque montrant Saint Louis présentant ses armes à Jésus Christ en présence de la Vierge et des anges, quelques quatre-vingt-dix mètres au-dessus de moi Coupole des Invalides, spectacle dont je ne me lasse jamais. Je savais que j'allais ensuite contourner la balustrade circulaire surplombant la crypte, et que dès l'abord de l'escalier, entre les tombes des fidèles Duroc et Bertrand, une émotion d'un type unique allait me gagner. Elle allait, j'en étais sûr, connaître son acmé à la double vue de La sépulture du Roi de Rome et de l'imposant sarcophage de l'Empereur, et être accompagnée de la petite larme qui témoigne immanquablement de ma nature sensible dans deux circonstances singulières : mes visites au tombeau de Napoléon Ier et le troisième acte de Madame Butterfly ...

Ce fut alors qu'un jeune couple interrompit – temporairement – cet émouvant programme. A leur sourire, et au fait que l'homme me tendait un appareil photographique (les "selfies" n'étaient pas encore en vogue), je compris qu'ils souhaitaient que je les prisse en photo devant la crypte.

- Are you English?
- American!
- Fine!

Je m'entendis alors leur dire, dans un anglais basique ayant avec la langue de Shakespeare la même lointaine parenté que le jargon télévisuel avec celle de Molière, qu'une tradition bien établie voulait, lorsqu'on était photographié en ce lieu, qu'on s'écriât : Vive l'Empereur !... Le couple, visiblement ravi d'apprendre l'existence de cette coutume, s'exécuta avec enthousiasme (et un léger, mais ravissant, accent) et l'instant fut visuellement immortalisé.

Ces deux jeunes citoyens d'une des plus anciennes républiques au monde, emblème du monde libre, auraient-il crié Vive le Roi ! s'ils eussent visité la Basilique de Saint-Denis ? Rien n'est moins sûr ... Je me plais à imaginer que leur enthousiasme fut le témoin de leur subconscient, pour lequel les valeurs de 1776 (et de la constitution de 1787) se sont perpétuées dans notre pays, à leur manière, en 1789 d'abord, sous l'Empire ensuite ...

Didier Grau