N & E
Napoléon & Empire

Traité de Tilsitt entre la France et la Russie

Traité de Tilsitt du 7 juillet 1807

Traité de Paix conclu entre l'Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la confédération du Rhin et l'Empereur de toutes les Russies.

Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, et Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, étant animés d'un égal désir de mettre fin aux calamités de la guerre, ont à cet effet nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :

S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, M. Charles-Maurice Talleyrand, Prince de Bénévent, son Grand-Chambellan et Ministre des relations extérieures, Grand-Cordon de la Légion d'honneur, Chevalier Grand-Croix des ordres de l'Aigle-Noir et de l'Aigle-Rouge de Prusse et de Saint Hubert ;

Et S. M. l'Empereur de toutes les Russies, M. le Prince Alexandre Kourakin, son Conseiller privé actuel, membre du Conseil d'État, Sénateur, Chancelier de tous les ordres de l'Empire, Chambellan actuel, Ambassadeur extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S. M. l'Empereur de toutes les Russies près S. M l'Empereur d'Autriche, et Chevalier des ordres de Russie, de Saint-André, de Saint-Alexandre, de Saint-Anne de première classe et de Saint-Wolodimir de la première classe, de l'Aigle-Noir et de l'Aigle-Rouge de Prusse, de Saint-Hubert, de Bavière, de Dambrog et de l'Union parfaite de Danemarck, et Bailli Grand-Croix de l'ordre souverain de Saint-Jean-de-Jérusalem  ;

Tableau représentant Napoléon à Tilsitt avec le roi et la reine de Prusse

Et M. le Prince Dinitry Labanoff de Rostoff, lieutenant-général des armées de S. M. l'Empereur de toutes les Russies, Chevalier des ordres de Sainte-Anne de la première classe, de l'ordre militaire de Saint-Georges, et de l'ordre de Wolodimir de la troisième classe ;

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins-pouvoirs respectifs, sont convenus des articles suivans :

Article Ier. II y aura, à compter du jour de l'échange des ratifications du présent traité, paix et amitié parfaites entre S. M l'Empereur des Français, Roi d'Italie, et S. M. l'Empereur de toutes les Russies.

II. Tontes les hostilités cesseront immédiatement, de part et d'autre, sur terre et sur mer, dans tous les points où la nouvelle de la signature du présent traité sera officiellement parvenue.

Les hautes parties contractantes la feront porter sans délai, par des courriers extraordinaires, à leurs généraux et commandans respectifs.

III. Tous les bâtimens de guerre ou autres appartenant à l'une des parties contractantes, ou à leurs sujets respectifs, qui auraient été pris postérieurement à la signature du présent traité seront restitués, ou, en cas de vente, le prix en sera restitué.

IV. S. M. l'Empereur Napoléon, par égard pour S. M. l'Empereur de toutes les Russies et voulant donner une preuve du désir sincère qu'il a d'unir les deux nations par les liens d'une confiance et d'une amitié inaltérables, consent à restituer à S. M. le Roi de Prusse, allié de S.M. l'Empereur de toutes les Russies, tous les pays, villes et territoires conquis et dénommés ci-après, savoir :

La partie du Duché de Magdebourg située à la droite de l'Elbe ;

La Marche de Prignitz, d'Uker Marck, la moyenne et la nouvelle Marche de Brandebourg, à l'exception du Kobuser-Kreys, ou cercle de Cotbus, dans la Basse-Lusace, lequel devra appartenir à S. M. le roi de Saxe  ;

Le duché de Poméranie;

La Haute, la Basse et la Nouvelle Silésie avec le comté de Glatz  ;

La partie du district de la Netze, située au nord de la chaussée allant de Driessen à Schneide-Mühl, et d'une ligne allant de Schneide-Mühl a la Vistule par Weldau, en suivant les limites du cercle de Bromberg, la navigation par la rivière de Netze et le canal de Bromberg, depuis Driessen jusqu'à la Vistule, et réciproquement devant être libre et franche de toute péage ; la Pomérelie, l'isle de Nogat, les pays à la droite de Nogat et de la Vistule, à l'ouest de l'ancienne Prusse et au nord du cercle de Culm  ; l'Ermeland, et enfin le royaume de Prusse tel qu'il étoit au 1er janvier 1772, avec les places de Spandau, Stettin, Custrin, Glogau, Breslau, Schweidnits, Neiss, Brieg, Kosel et Glaiz, et généralement toutes les plaecs, citadelles, châteaux et forts des pays ci-dessus dénommés, dans l'état où lesdites places, citadelles, châteaux et forts se trouvent maintenant, et en outre la ville et citadelle de Graudentz.

V. Les provinces qui, au 1er Janvier 1772, faisaient partie de l'ancien Royaume de Pologne, et qui ont passé depuis, à diverses époques, sous la domination prussienne, seront, à l'exception des pays qui sont nommés ou désignés au précédent article, et de ceux qui sont spécifiés en l'article IX ci-après, possédés en toute propriété et souveraineté par S. M. le roi de Saxe, sous le titre du Duché de Varsovie, et régis par des constitutions qui, en assurant les libertés et les privilèges des peuples de ce Duché, se concilient avec la tranquillité des états voisins.

VI. La ville de Dantzick avec un territoire de deux lieues de rayon autour de son enceinte, sera rétablie dans son indépendance, sous la protection de S. M. le Roi de Prusse et de S. M. le Roi de Saxe, et gouvernée, par les Lois qui la régissaient à l'époque où elle cessa de se gouverner elle-même.

VII. Pour les communications entre le Royaume de Saxe et le Duché de Varsovie, S. M. le Roi de Saxe aura le libre usage d'une route militaire à travers les possessions de S. M. le Roi de Prusse. Ladite route, le nombre des troupes qui pourront y passer à la fois, et les lieux d'étape seront déterminés par une convention spéciale, faite entre leurs dites Majestés, sous la médiation de la France.

VIII. S. M. le Roi de Prusse, S. M. le Roi de Saxe, ni la ville de Dantzick ne pourront empêcher par aucune prohibition, ni entraver par l'établissement d'aucun péage, droit ou impôt de quelque nature qu'il puisse être, la navigation de la Vistule.

IX. Afin d'établir, autant qu'il est possible, des limites naturelles entre la Russie et le duché de Varsovie, le territoire circonscrit par la partie des frontières russes actuelles, qui s'étend depuis le Bug jusqu'à l'embouchure de la Lossosna, et par une ligne partant de ladite embouchure et suivant le thalweg de cette rivière, le thalweg de la Bobra jusqu'à son embouchure, le thalweg de la Narew, depuis le point susdit jusqu'à Suratz, de la Lisa jusqu'à sa source, près le village de Mien, de l'affluent de la Nurzeck, prenant sa source près le même village, de la Nurzeck jusqu'à son embouchure au-dessus de Nurr, et enfin le thalweg du Bug, en le remontant jusqu'aux frontières russes actuelles, sera réuni, à perpétuité, à l'Empire de Russie.

X. Aucun individu, de quelque classe et condition qu'il soit, ayant son domicile ou des propriétés dans le territoire spécifié en l'article précédent, ne pourra, non plus qu'aucun individu domicilié, soit dans les Provinces de l'ancien Royaume de Pologne, qui doivent être restituées à S. M. le Roi de Prusse, soit dans le Duché de Varsovie, mais ayant en Russie des biens fonds, rentes, pensions ou revenus, de quelque nature qu'ils soient, être frappé dans sa personne, dans ses biens, rentes, pensions et revenus de tout genre, dans son rang et ses dignités, ni poursuivi ni recherché en aucune façon quelconque, pour aucune part, ou politique ou militaire, qu'il ait pu prendre aux événemens de la guerre présente,

XI. Tous les engagemens et toutes les obligations de S. M. le Roi de Prusse, tant envers les anciens possesseurs, soit de charges publiques, soit de bénéfices ecclésiastiques, militaires ou civils, qu à l'égard des créanciers ou des pensionnaires de l'ancien Gouvernement de Pologne, restent à la charge de S M. l'Empereur de toutes les Russies et de S. M. le Roi de Saxe, dans la proportion de ce que chacune de leursdites Majestés acquiert par les articles V et IX, et seront acquittés pleinement, sans restriction, exception, ni réserve aucune.

XII. Leurs Altesses Sérénissimes les Ducs de Saxe-Cobourg, d'Oldenbourg et de Mecklenbourg-Schwerin, seront remis chacun dans la pleine et paisible possession de ses états ; mais les ports des Duchés d'Oldenbourg et de Mecklenbourg continueront d'être occupés par des garnisons françaises jusqu'à l'échange des ratifications du futur traité de paix définitive entre la France et l'Angleterre.

XIII. S. M. l'Empereur Napoléon accepte la médiation de S. M. l'Empereur de toutes les Russies, à l'effet de négocier et conclure un traité de paix définitive entre la France et l'Angleterre, dans la supposition que cette médiation sera aussi acceptée par l'Angleterre, un mois après l'échange des ratifications du présent traité.

XIV. De son côté, S. M. l'Empereur de toutes les Russies, voulant prouver combien il désire d'établir entre les deux Empires les rapports les plus intimes et les plus durables, reconnaît S. M. le Roi de Naples, Joseph Napoléon, et S. M. le Roi de Hollande, Louis Napoléon.

XV. S. M. l'Empereur de toutes les Russies reconnaît pareillement la Confédération du Rhin, l'état actuel de possession de chacun des Souverains qui la composent, et les titres donnés à plusieurs d'entre eux, soit par l'Acte de Confédération, soit par des traités d'accession subséquens.

Sadite Majesté promet de reconnaître, sur les notifications qui lui seront faites de la part de S. M. l'Empereur Napoléon, les Souverains qui deviendront ultérieurement Membres de la Confédération, en la qualité qui leur sera donnée par les actes qui les y feront entrer.

XVI. S. M. l'Empereur de toutes les Russies cède, en toute propriété et souveraineté, à S. M. le Roi de Hollande, la Seigneurie de Jever, dans l'Ost-Frise.

XVII. Le présent traité de paix et d'amitié est déclaré commun à LL. MM. les Rois de Naples et de Hollande, et aux Souverains confédérés du Rhin, alliés de S. M. l'Empereur Napoléon.

XVIII. S. M. l'Empereur de toutes les Russies reconnaît aussi S. A. I. le Prince Jérôme Napoléon comme Roi de Westphalie.

XIX. Le Royaume de Westphalie sera composé des Provinces cédées par S. M. le Roi de Prusse à la gauche de l'Elbe, et d'autres états actuellement possédés par S. M. l'Empereur Napoléon.

XX. S. M. l'Empereur de toutes les Russies promet de reconnaître la disposition qui, en conséquence l'article XIX cidessus et des cessions de S. M. le Roi de Prusse, sera faite par S. M. l'Empereur Napoléon (laquelle devra être notifiée à S. M. l'Empereur de toutes les Russies) et l'état de possession en résultant pour les souverains au profit desquels elle aura été faite.

XXI.Tontes les hostilités cesseront immédiatement sur terre et sur mer entre les forces de S. M. l'Empereur de toutes les Russies et celles de Sa Hautesse, dans tous les points où la nouvelle de la signature du présent traité sera officiellement parvenue.

Les hautes parties contractantes la feront porter, sans délai, par des courriers extraordinaires, pour qu'elle parvienne le plus promptement possible, aux Généraux et Commandans respectifs.

XXII. Les troupes russes se retireront des Provinces de la Valachie et de Moldavie ; mais lesdites Provinces ne pourront être occupées par les troupes de Sa Hautesse jusqu'à l'échange des ratifications du futur traité de paix définitif entre la Russie et la Porte ottomane.

XXIII. S. M. l'Empereur de toutes les Russies accepte la médiation de S M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, à l'effet de négocier et conclure une paix avantageuse et honorable aux deux Empires.

Les Plénipotentiaires respectifs se rendront dans le lieu dont les deux parties intéressées conviendront, pour y ouvrir et suivre les négociations.

XXIV. Les délais dans lesquels les hautes parties contractantes devront retirer leurs troupes des lieux qu'elles doivent quitter, en conséquence des stipulations ci-dessus, ainsi que le mode d'exécution des diverses clauses que contient le présent traité, seront fixés par une convention spéciale.

XXV. S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, et S. M. l'Empereur de toutes les Russies, se garantissent mutuellement l'intégrité de leurs possessions et celles des puissances comprises au présent traité de paix, telles qu'elles sont maintenant ou seront en conséquence des stipulations ci-dessus.

XXVI. Les prisonniers de guerre faits parles parties contractantes, ou comprises au présent traité de paix, seront rendus réciproquement sans échanges et en masse.

XXVII. Les relations de commerce entre l'Empire Français, le Royaume d'Italie, les Royaumes de Naples et de Hollande, et les États confédérés du Rhin, d'une part, et d'autre part l'Empire de Russie, seront rétablies sur le même pied qu'avant la guerre.

XXVIII. Le cérémonial des deux Cours des Tuileries et de Saint-Pétersbourg entr'elles et à l'égard des Ambassadeurs, Ministres et Envoyés qu'elles accréditeront l'une près de l'autre, sera établi sur le principe d'une réciprocité et d'une égalité parfaites.

XXIX. Le présent traité sera ratifié par S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, et par S. M. l'Empereur de toutes les Russies.

L'échange des ratifications aura lieu dans cette ville dans le délai de quatre jours.

Fait à Tilsitt, le 7 juillet (25 juin) 1807.

Signés

Charles-Maurice Talleyrand, Prince de Bénévent.

Le Prince Alexandre Kourakin,

Le Prince Dmitry Labanoff de Rostoff.

Pour ampliation :

Le Ministre des relations extérieures,

Signé

Ch. Mau. Talleyrand, Prince de Bénévent.

Les ratifications du présent traité ont été échangées à Tilsitt, le 9 juillet 1807.