Auxonne [47.19394, 5.38783] - qui se prononce localement aussi bien [os̪ɔn̪] que [oks̪ɔn̪] - est une petite ville bourguignonne sise sur les bords de la Saône , à quelques trente kilomètres à l'est-sud-est de Dijon. En 1788, elle compte environ 3600 âmes, auxquelles s'ajoutent quelques 1200 officiers et élèves du régiment d'artillerie de La Fère, tenant garnison depuis l'année précédente à l'École royale d'artillerie.
Premier séjour de Bonaparte
Le lieutenant en second Napolionne de Buonaparte arrive à Auxonne le 15 juin 1788, en provenance d'Ajaccio où il a passé six mois de congé. Il y rejoint le régiment d'artillerie de La Fère, auquel il appartient depuis octobre 1785, et qui tient quartier dans des casernes au nord-est de la cité.
Aux Casernes, Bonaparte loge dans le Pavillon de la Ville (pavillon sud) , escalier 1 (au levant), chambre numéro 16 [de nos jours chambre 25] au troisième étage, côté sud.
Il y côtoie d'autres jeunes officiers tels que :
- son meilleur ami Alexandre des Mazis (qui était déjà son camarade à l'Ecole Militaire de Paris puis en garnison à Valence)
- Joseph-Louis-Victor Jullien de Bidon (futur général, préfet du Morbihan et conseiller d'Etat)
- Jean André Louis Rolland de Villarceaux (futur préfet du Tanaro, des Apennins puis du Gard)
- Jean Barthélemot de Sorbier (futur premier inspecteur de l'artillerie)
- David Victor Belly de Bussy (qu'il nommera colonel d'artillerie et aide de camp en 1814 après la bataille de Craonne)
- Jean Baptiste Le Lieur de Ville-sur-Arce (futur Intendant général des Parcs et Jardins de la Couronne)
- le dolois Claude-Joseph de Malet (frère du futur conspirateur de 1812).
Bonaparte fréquente également des officiers plus âgés, tels les capitaines Jacques Marie Charles de Drouas de Boussey (futur général) et Jean Jacques Basilien Gassendi (futur général, inspecteur général de l'artillerie et conseiller d'Etat) qui commande la compagnie dans laquelle sert le jeune Corse.
Avec ses camarades officiers, il prend ses repas (souvent un seul par jour) à la pension tenue par Jeanne Chevalier, veuve Dumont, rue de Saône [rue Vauban de nos jours] , et a l'habitude de se rendre au café situé face à la caserne pour y prendre un verre de lait.
Il se montre un excellent élève, se faisant notamment remarquer par son professeur de mathématiques Jean-Louis Lombard, qui enseigne cette science depuis quarante ans, et qui note : Ce jeune homme ira loin
. Il reçoit Napoléon régulièrement à son domicile rue de Saône [de nos jours numéro 6 rue Vauban] .
Les manoeuvres et tirs d'artillerie se déroulent au Polygone d'artillerie situé à Tillenay, sur la rive droite de la Saône , à quelques kilomètres de la ville. Napoléon Bonaparte a l'honneur de se voir confier la direction des opérations à l'occasion d'une visite d'inspection du Prince Louis V Joseph de Bourbon-Condé.
Il a durant l'année 1789 l'occasion de mener plusieurs missions extérieures. Le 31 mars, le marquis de Gouvernet, lieutenant de la province, mande à Seurre trois compagnies, suite à un début d'émeute liée à la disette consécutive aux mauvaises récoltes de 1788 ; l'une de ces compagnies, de 106 hommes, est placée sous le commandement de Bonaparte ; arrivé à Seurre le lendemain, il ramène le calme et reste sur place jusqu'au 29 mai.
Durant ce séjour, il est invité à dîner par Claude de Thiard de Bissy, gouverneur d'Auxonne et ancien ami de Louis XV, en son château de Pierre-de-Bresse, et va fêter Pâques chez Noël-Antoine Prieur, receveur général des finances du bailliage de Dole et receveur du grenier à sel d’Auxonne, dont il fait connaissance de la charmante épouse Pierrette.
En mai, il se rend avec un détachement à l'abbaye de Cîteaux pour solutionner une insurrection de moines (selon certains auteurs, d'autres plaçant cette révolte en mai 1790, alors que Napoléon est à nouveau en Corse), puis en juin à Dijon à l'occasion de troubles parlementaires naissants.
Le 19 juillet 1789, c'est à Auxonne même qu'il doit réprimer une nouvelle émeute populaire, suite à l'annonce de la prise de la Bastille ; il est ce jour-là à la tête de 450 hommes. Le 23 août, place des Casernes [47.19549, 5.38975], il fait, comme tous les officiers, la prestation de serment de fidélité à la Nation, au Roi et à la Loi.
Ce premier séjour à Auxonne laisse par ailleurs quelque loisir à Napoléon. Dès l'été suivant son arrivée, il manque de se noyer dans la Saône à l'occasion d'une baignade, ne devant son salut qu'à un banc de sable providentiel.
Il aime à se rendre au village de Villers-Rotin, sur la route de Dole, où il retrouve une jeune fille nommée Marie Merceret, son aînée de six ans, sous un tilleul de Sully [47.15681, 5.40548] planté à l'occasion de la naissance de Louis XIII en 1601 près de l'église [arbre aujourd'hui disparu] . Ou bien à la Chapelle de la Levée [depuis renommée Chapelle Napoléon] [47.19775, 5.35358] à Villers-les-Pots, près de la route de Dijon .
Le jeune et ténébreux lieutenant ne laisse par ailleurs pas indifférente la grâcieuse comtesse de Berbis, qui le reçoit fréquemment aussi bien en son hôtel particulier à Auxonne [à l'actuel numéro 7 de la rue de Berbis] qu'en son château des Maillys [47.13755, 5.33556], à une dizaine de kilomètres au sud.
Il est régulièrement reçu au domicile de François Laurent Pillon d'Arquebouville, Directeur de l'arsenal et de l'artillerie de Bourgogne, rue de Chénois [aujourd'hui 2 bis rue Carnot] , en compagnie du couple Lombard, pour d'innombrables parties de loto.
Il fréquente aussi le commissaire des guerres Jean-Marin Naudin, dont l'épouse, fort jolie femme, a vécu quinze années en Corse.
Le baron Jean Pierre du Teil de Beaumont, Directeur de l'Ecole d'artillerie, le reçoit également en son hôtel [au 25 de l'actuelle rue Thiers] , avec bienveillance ; Napoléon s'en souviendra lors de la rédaction de son testament, léguant 100.000 francs à ses enfants ou petits-enfants "comme souvenir de reconnaissance pour les soins que ce brave général prit de nous, lorsque nous étions comme lieutenant et capitaine sous ses ordres".
Le 9 septembre 1789, il part d'Auxonne en congé de semestre pour Ajaccio.
Second séjour de Bonaparte
Napoléon Bonaparte arrive à Auxonne, le 11 ou le 12 février 1791 en compagnie de son frère Louis. Il occupe, dans le même pavillon sud qu'en 1788 mais cette fois au 2e étage de l'escalier 3, côté nord, la chambre numéro 14-15 [de nos jours chambre numéro 10, conservée en l'état], Louis couchant dans l'antichambre.
C'est à cette époque qu'il trace sur la façade sud du pavillon Nord des Casernes (dit pavillon Royal) un cadran solaire que l'on voit encore aujourd'hui.
Ayant rédigé en date du 23 janvier 1791 (le dernier jour de sa présence en Corse avant son embarquement) une "Lettre à M. Matteo di Buttafuoco", dénonçant la trahison du député de Corse, chef de file royaliste et adversaire de Pascal Paoli, envers cette nation, Napoléon se rend à trois reprises à Dole chez l'imprimeur Jean-François Xavier Joly. Les épreuves corrigées, l'opuscule est tiré à cent exemplaires.
Durant ce second séjour, Bonaparte se rend à plusieurs reprises à Nuits-Saint-Georges où le capitaine Gassendi, récemment marié, l'invite à souper. Il fait également un nouveau passage à l'abbaye de Cîteaux (le 23 mai 1791), et visite avec son ami Alexandre des Mazis la fonderie de canons construite au Creusot-Montcenis par Ignace de Wendel en 1782.
Nommé en qualité de lieutenant en premier au 4e d'artillerie à Valence le 1er juin 1791, Napoléon quitte Auxonne le 14 du mois.
Une statue en bronze représentant le jeune Napoleon Bonaparte en uniforme de lieutenant d'artillerie , oeuvre du sculpteur François Jouffroy, trône depuis 1857 au milieu de la place d'Armes d'Auxonne ; son socle comporte quatre bas-reliefs de bronze représentant respectivement :
- le jeune Bonaparte méditant sous un chêne
- le Pont d'Arcole
- Bonaparte présidant une séance au Conseil d'Etat
- le Sacre .