Symboliquement, il n'est pas anodin pour tout Corse de considérer que Napoléon Bonaparte (Nabulionu Buonaparte) était en quelque sorte présent les 8 et 9 mai 1769 sur le champ de la bataille de Ponte-Novo [Battaglia di Ponte Novu]
Ensuite, comme chacun le sait, c'est à Ajaccio [Aiacciu], alors un petit port de pêche d'environ 4500 habitants (dix fois moins qu'à Bastia), que le futur Empereur voit le jour le 15 août 1769, dans la maison familiale
Napoléon est baptisé le 21 juillet 1771 en même temps que sa soeur Maria-Anna, née le 14 juillet et qui ne vivra que quelques mois, par leur grand-oncle, l'archidiacre Lucien (Lucianu), dans
1769-78 : la jeunesse de Napoléon à Ajaccio
Napoléon va passer ses neuf premières années dans sa ville natale. Ses parents le placent en 1773 dans une école mixte tenue par des soeurs qui occupent l'ancien établissement des Jésuites, puis, à l'automne 1777, au collège de la ville, dans une classe de l'abbé Jean-Baptiste (Ghjuvanbattista) Recco. Son oncle Joseph Fesch, plus âgé que lui de six ans, lui apprend à lire, tandis que son grand-oncle Lucien lui enseigne le catéchisme. Il acquiert également quelques notions d'italien littéraire.
Dès cette époque, il apparaît plus destiné à la carrière militaire que son frère Joseph (Ghjaseppu) ; d'un tempérament vif et batailleur (ce qui lui vaut le surnom de "Ribulione", le Perturbateur) il aime vagabonder au bord de la mer, avec son frère de lait, Ignazio (Gnaziu), le fils de sa nourrice, et à prendre part aux querelles des enfants de la vieille ville avec ceux des faubourgs.
L'enfant aime également monter au lieu-dit "Casone" [l'actuelle Place d'Austerlitz] où, à l'abri sous de grands rochers
De même, selon la légende, il aime à venir régulièrement aux Milelli avec son oncle Lucianu pour parler des hommes célèbres de l'histoire et de l'avenir de la famille Bonaparte.
A cette époque, les Milelli ne sont pas encore la propriété des Bonaparte (ils ne le seront qu'en 1785) mais Charles, en fin procédurier, en a obtenu le bail emphytéotique, non pas tant pour la maison
Napoléon embarque le 15 décembre 1778 pour rejoindre le collège d'Autun, où son père a pu l'inscrire après avoir obtenu une bourse d'études.
Séjours ultérieurs en Corse
Napoléon Bonaparte va par la suite faire six séjours sur l'île de Beauté. En voici les dates :
Premier congé
Le 15 septembre 1786, le Lieutenant en second Napoléon Bonaparte, qui a quitté Valence quinze jours auparavant pour un premier congé, débarque à Ajaccio.
Il va y séjourner en famille durant près d'un an, puisqu'il en repart le 11 septembre 1787.
Deuxième congé
Le 1er janvier 1788, c'est en provenance de Paris que Napoléon arrive à Ajaccio.
Il va y rester jusqu'au 31 mai de la même année, date à laquelle il part pour Auxonne
Troisième congé
Après avoir quitté Auxonne le 9 septembre 1789, Napoléon débute un nouveau séjour insulaire le 21 septembre ; ce sera le plus long puisqu'il va durer jusqu'au 30 janvier 1791.
Le 17 octobre 1789, Napoléon est chargé par les révolutionnaires d'Ajaccio de rédiger une adresse à l'Assemblée Constituante. Il la compose dans les jours suivants et le 31 octobre 1789, à l'occasion d'une réunion politique qui se tient en ville rétablir les Corses dans les droits que la nature a donnés au pays
, dénonce la commission intermédiaire des Nobles Douze et le régime militaire qui s’oppose à la formation de la garde nationale, exprime la crainte d’être remis sous le joug de Gênes et demande que la Corse soit réunie à la nation française devenue libre : Le fruit de nos impositions est consommé par des aventuriers qui ne viennent dans notre pays que pour s’enrichir… Vous nous délivrerez d’une administration qui nous mange, nous avilit, nous discrédite
.
Le 2 novembre 1789 (le 5 novembre selon Patrick Guenifey et Roger Iappini), il se rend à Bastia [Bastìa]
A Bastia, Napoléon Bonaparte s'entretient avec les officiers municipaux et, peut-être, avec les futurs meneurs de l'insurrection qui aura lieu peu après (le 5, le 6 ou le 7 novembre selon les sources) au sujet de l'établissement d'une garde nationale. Des témoins le voient distribuer des cocardes tricolores. Le vicomte Charles Armand Barrin de la Galissonnière, gouverneur de l'île, lui intimant l'ordre de quitter Bastia, Napoléon s'exécute.
Le 30 novembre, l'adresse rédigée par Napoléon est lue à la tribune de l’Assemblée Nationale, et, le même jour, Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau fait voter un décret rattachant la Corse au Royaume de France et autorisant Pascal Paoli et ses partisans à rentrer d'exil. A l'annonce de ce décret, Napoléon accroche au fronton de la Casa Bonaparte une banderole enthousiaste et sans ambiguïté : Evviva la Nazione ! Evviva Paoli ! Evviva Mirabeau !
.
Le 26 décembre 1789, Hubert Casimir Rousseau de la Férandière, le commandant d'Ajaccio, dénonce Napoléon au ministre de la Guerre comme fauteur de troubles, dans les termes suivants : Cet officier a été élevé à l'Ecole militaire, sa soeur à Saint-Cyr et sa mère comblée de bienfaits du gouvernement ; il serait bien mieux à son corps, car il fomente sans cesse
. Napoléon, souhaitant que les canons de la citadelle, tournés vers la ville, soient démontés, lui écrit avec le soutien de tous les membres de la municipalité : Nous ne doutons pas de votre attachement à la Constitution ; cependant nous ne pouvons moins faire que de vous faire observer que si vous rejetiez notre demande, laquelle n'est autre que de mettre la citadelle dans la situation où elle se trouva toujours en temps de paix, nous ne pourrions guère nous empêcher d'avoir comme un soupçon, qui laisse à présumer que vous êtes en correspondance avec des personnes intéressées dans la conservation des places fortes de France pour quelque événement que ce soit
. La Férandière obtempère et démonte les canons.
Napoléon se rend du 11 au 20 avril 1790 au couvent Saint-François d'Orezza [Cunventu San Francescu d'Orezza]
En ce même mois d'avril, Napoléon est l'auteur d'un manifeste appelant à chasser les Français d'Ajaccio [cette lettre est perdue]. De ce fait, début mai [et non en juillet comme parfois rapporté], en se promenant en compagnie de Philippe (Filippu) Masseria, lieutenant de Pascal Paoli, et de Charles-André Pozzo di Borgo, il est assailli par une bande qui l'accuse d'avoir appelé au massacre des Français. Un cousin de Napoléon originaire de Bastelica, Nunzio François Costa, parvient à mettre en fuite les agresseurs.
Au printemps 1790, il obtient par l'intermédiaire de son oncle Joseph Fesch de faux certificats de baptème pour Joseph et lui, aux fins de vieillir son frère pour qu'il puisse se présenter aux élections à la municipalité.
Les deux jeunes gens aiment, à cette époque, passer leurs journées en discussions et promenades, par exemple jusqu'à la chapelle des Grecs [Capella di i Grechi]
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Le 17 juillet 1790, Joseph et Napoléon vont acclamer Pascal Paoli qui débarque à Bastia
Du 9 au 27 septembre 1790, Napoléon retourne au couvent Saint-François d'Orezza
Le 6 janvier 1791, le club patriotique d’Ajaccio, sis Casa Pô, U Borgu [au n° 44 de l'actuelle Rue Fesch]
Le 23 janvier, Napoléon donne lecture, au club patriotique … Ô Lameth ! Ô Robespierre ! Ô Pétion ! Ô Mirabeau ! Ô Barnave ! Ô Bailly ! Ô La Fayette ! Voilà l’homme qui ose s’asseoir à côté de vous tout dégouttant du sang de ses frères, souillé par des crimes de toute espèce… Il ose se dire le représentant de la nation, lui qui l’a vendue, et vous le souffrez !…
. Cette lettre sera imprimée à Dôle le 15 mars et dès le lendemain Napoléon en expédiera des exemplaires en Corse, en particulier à Pascal Paoli.
Le 30 (ou 24 ?) janvier 1791, Napoléon quitte la Corse pour rejoindre son régiment à Auxonne.
Quatrième congé et premier commandement en Corse
Un nouveau séjour en Corse débute pour Napoléon lors de son arrivée à Ajaccio le 1er octobre 1791. Napoléon a l'intention de postuler à un grade d'officier supérieur au sein d'un des bataillons de volontaires départementaux récemment créés.
Le 4 janvier 1792, il est nommé adjudant-major d'un bataillon des gardes nationaux d'Ajaccio par le général Antoine François (Antone Francescu) de Rossi, commandant par intérim la division militaire de la Corse.
Napoléon reste dans sa ville natale jusqu'au 13 février 1792, puis, via Bocognano [Bucugnà]
A la suite d'élections mouvementées entre le 28 et le 31 mars, Napoléon devient le 1er avril 1792 lieutenant-colonel en second du deuxième bataillon de la garde nationale pour les districts d’Ajaccio et Tallano [Tallà], élu au détriment de Jean (Ghjuvanni) Péraldi (issu d'une riche famille ajaccienne) et de Mathieu (Matteu) Pozzo Di Borgo, frère cadet de Charles André. De violents affrontements entre les volontaires et la population ajaccienne se produisent les jours suivants, envenimés par la volonté des premiers d'occuper la citadelle de la ville, ce que refuse son commandant le colonel François Charles de Maillard.
Le jour de Pâques, le 8 avril, au cours d'une émeute consécutive à dispute lors d'une partie de quilles, le lieutenant de volontaires Rocca-Serra, se tenant aux côtés de Napoléon devant la cathédrale, est tué par un révolté. Le lendemain, c'est un ecclésiastique de la famille Peraldi qui est mortellement blessé par les gardes nationaux sous les ordres de Napoléon. Il semble que ces dramatiques événements soient à l'origine de la haine sans faille que Charles André Pozzo di Borgo vouera à tout jamais à Napoléon.
Napoléon se rend à nouveau à Bocognano les 13 et 17 avril pour y rencontrer les commissaires du département, Arrighi et Cesari, puis va avec son bataillon séjourner à Corte du 18 avril au 9 mai 1792.
Le 10 mai, il embarque à Ajaccio pour le continent ; en effet, encouragé par son frère Joseph à quitter l'île de Beauté, il doit aller à Paris se défendre contre l'accusation d'avoir été l'un des principaux responsables des troubles d'Ajaccio.
Second commandement en Corse
Après avoir reçu l'ordre de reprendre son commandement en Corse, Napoléon débarque à Ajaccio
Après quatre jours dans la ville qui l'a vu naître, il se rend à Corte
Du 15 décembre 1792 au 17 février 1793, il séjourne à nouveau à Ajaccio.
Napoléon se rend ensuite dans le sud de l'île en vue du projet de débarquement en Sardaigne organisé par Pascal Paoli à la demande de la Convention. Les 18 et 19 février, il est à Bonifacio [Bonifaziu] :
De là, Napoléon embarque sous les ordres du colonel Pierre-Paul Colonna de Cesari Rocca (Petru Pàulu Colonna Cesari della Rocca) en vue d'attaquer l'archipel sarde de la Maddalena. Le 22 février il débarque sur l'îlot San Stefano et installe les trois canons dont il a la responsabilité face à la Maddalena. Le 24 il fait bombarder le village. Mais le lendemain le colonel Colonna Cesari, qui doit faire face à une mutinerie sur l'un de ses bateaux, la corvette "La Fauvette", donne l'ordre d'évacuation et de retraite, laissant sur l'ilôt les trois pièces d'artillerie du lieutenant-colonel Bonaparte ... Le 26 et le 27, la petite flotte mouille dans le Golfe de San Amanza [Sant' Amanza]
Le 1er mars 1793, Napoléon rédige une protestation relative à l'échec de l'expédition, le coeur rempli de confusion et de douleur
. Nous avons fait notre devoir et les intérêts comme la gloire de la République exigent que l’on recherche et que l’on punisse les lâches traîtres qui nous ont fait échouer.
Début mars, place Doria, il est victime d'une tentative de meurtre par des marins de "La Fauvette".
Le 14 mars, il écrit au colonel Colonna Cesari, l'assurant de son d’amitié et promettant d’éclairer l’opinion sur les événements de Sardaigne.
Napoléon reste à Bonifacio jusqu'au 17 avril 1793. A noter toutefois que sur la maison où il a résidé, rue Piazzalonga [numéro 7 de l'actuelle Rue des Deux-Empereurs]
Du 18 avril au 2 mai 1793 il est de retour sur Ajaccio et sa région. Le 27 avril, il déjoue une tentative d'assassinat sur la route des Îles Sanguinaires :
En mai 1793, la situation politique en Corse est telle que la famille Bonaparte doit préparer sa fuite d'Ajaccio devant la menace des partisans de Pascal Paoli. Le 3 mai, Napoléon part à cheval pour Bastia
Le retour s'effectue par Arca de Vivaria, et Bocognano
Dans ce village, il est hébergé par le maire Joseph (Ghjaseppu) Poggioli, qui l'escorte le lendemain avec des partisans jusqu'à Ajaccio. Napoléon reste du 6 au 8 mai dans la ville qui l'a vu naître, caché dans la maison
Le 9 mai il prend la mer vers le nord de l'Ile de Beauté, double le Cap Corse au niveau de l'ilôt de la Giraglia [Isula di a Giraglia]
Napoléon reste à Bastia jusqu'au 22 mai, logeant chez le maire Jean-Baptiste (Ghjuvan Battista) Galeazzini
Le 23 mai, Napoléon, Saliceti et Lacombe-Saint-Michel embarquent
Entretemps, dans la nuit du 23 mai 1793, Letizia Bonaparte, ses enfants et son frère Joseph Fesch échappent de peu au saccage de leur maison par des paolistes venus de Corte. Ils fuient vers les Milelli, mais le lieu n'est pas très sûr. Ils partent alors à travers le maquis
Selon certaines sources, sur la plage de Capitellu toute la famille monte à bord des bateaux venus de Bastia [une stèle
À Calvi, Napoléon et les siens sont hébergés par son parrain Laurent Giubega
Retour d'Égypte
Le 1er octobre 1799, de retour de l'expédition d'Egypte, le général Napoléon Bonaparte à bord de la frégate Muiron mouille au port d'Ajaccio après quarante-quatre jours de traversée. Cette escale, nullement planifiée, est due à un coup de vent qui force la petite escadre (deux frégates et deux chébecs) à s'y réfugier.
Il débarque le lendemain et se rend dans la maison familiale, où il loge dans la chambre du deuxième étage dite "à l'alcôve".
Il assiste à un bal organisé par Joachim Murat, puis se rend aux Milelli
Napoléon profite de la présence des savants Gaspard Monge et Claude-Louis Berthollet pour étudier sur place les possibilités de captation des sources du vallon de Lisa [41.93409, 8.69393] aux fins d'alimenter Ajaccio en eau potable [ce projet ne sera achevé que bien plus tard, en 1867].
Le 5 octobre, Napoléon quitte discrètement la Casa Bonaparte par une trappe située dans l'une des chambres, et rembarque sur la Muiron, qui appareille pour Fréjus.
Il ne reviendra plus jamais sur son île natale, ne la voyant qu'au loin lorsqu'il voguera vers l'île d'Elbe
La ville d'Ajaccio s'enorgueillit de plusieurs statues de Napoléon :
- Sur la place d'Austerlitz, près de la grotte où Napoléon venait s'aventurer, alors enfant, a été édifiée et inaugurée en 1938 une pyramide à degrés commémorative connue sous le nom de Casone, surmontée d'une statue en pied de l'Empereur
Pyramide et statue de Napoléon à Ajaccio Pyramide et statue de Napoléon à Ajaccio, vue 2 , copie de celle située dans la Cour d'honneur de l'Hôtel des Invalides à Paris. - Sur la place Foch, anciennement Piazza di l'Olmo, coeur du développement urbain de la ville voulu par Napoléon, se dresse depuis 1850 une statue de marbre
Statue du Premier Consul, place Foch à Ajaccio exécutée par Massimiliano Laboureur, représentant Napoléon Bonaparte en habit de consul romain. - Sur l'actuelle place De Gaulle (ou place du Diamant), qui marque la séparation entre la vieille ville et les nouveaux quartiers, on peut admirer le monument
Monument de Napoléon et ses frères, place De Gaulle à Ajaccio édifié à la mémoire de Napoléon et de ses quatre frères sur les plans d'Eugène Viollet-le-Duc. La statue équestre de Napoléon 1er vêtu à la romaineStatue de Napoléon Bonaparte, place De Gaulle à Ajaccio Statue de Napoléon Bonaparte, place De Gaulle à Ajaccio est la création du sculpteur Antoine-Louis Barye, celle de LucienStatue de Lucien Bonaparte, place De Gaulle à Ajaccio est l'oeuvre de Gabriel-Jules Thomas, celles de JosephStatue de Joseph Bonaparte, place De Gaulle à Ajaccio a été réalisée par Aimé Millet, celle de LouisStatue de Louis Bonaparte, place De Gaulle à Ajaccio par Jean-Claude Petit et celle de JérômeStatue de Jérôme Bonaparte, place De Gaulle à Ajaccio par Jacques-Léonard Maillet. Le monument a été inauguré le 15 mai 1865.
À Bastia, c'est sur la place Saint-Nicolas [Piazza Santu Niculà] que la cité a choisi d'honorer la mémoire de l'Empereur : la statue de Napoléon représenté avec les attributs de Jupiter