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Napoléon & Empire

Témoignages sur la bataille d'Austerlitz

Témoignages sur la bataille d'Austerlitz

Proclamation du 12 frimaire an 14 (2 décembre 1805)

De notre camp impérial d’Austerlitz le 12 frimaire an 14

Soldats, je suis content de vous.

Vous avez, à la journée d’Austerlitz, justifié tout ce que j’attendais de votre intrépidité ; vous avez décoré vos aigles d’une immortelle gloire. Une armée de 100 000 hommes, commandée par les empereurs de Russie et d’Autriche, a été, en moins de quatre heures, ou coupée ou dispersée. Ce qui a échappé à votre fer s’est noyé dans les lacs. Quarante drapeaux, les étendards de la garde impériale de Russie, cent vingt pièces de canon, vingt généraux, plus de 30 000 prisonniers, sont le résultat de cette journée à jamais célèbre. Cette infanterie tant vantée, et en nombre supérieur, n’a pu résister à votre choc, et désormais vous n’avez plus de rivaux à redouter. Ainsi, en deux mois, cette troisième coalition a été vaincue et dissoute. La paix ne peut plus être éloignée ; mais, comme je l’ai promis à mon peuple avant de passer le Rhin, je ne ferai qu’une paix qui nous donne des garanties et assure des récompenses à nos alliés.

Soldats, lorsque le peuple français plaça sur ma tête la couronne impériale, je me confiais à vous pour la maintenir toujours dans ce haut éclat de gloire qui seul pouvait lui donner du prix à mes yeux. Mais dans le même moment nos ennemis pensaient à la détruire et à l’avilir ! Et cette couronne de fer, conquise par le sang de tant de Français, ils voulaient m’obliger à la placer sur la tête de nos plus cruels ennemis ! Projets téméraires et insensés que, le jour même de l’anniversaire du couronnement de votre Empereur, vous avez anéantis et confondus ! Vous leur avez appris qu’il est plus facile de nous braver et de nous menacer que de nous vaincre.

Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de notre patrie sera accompli, je vous ramènerai en France ; là, vous serez l’objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous reverra avec joie, et il vous suffira de dire : "J’étais à la bataille d’Austerlitz", pour que l’on réponde : "Voilà un brave".

Trentième bulletin de la grande armée.

Austerlitz, le 12 frimaire an 14 (2 décembre 1805)

Le 6 frimaire, l’Empereur, en recevant la communication des pleins-pouvoirs de MM. de Stadion et de Giulay, offrit préalablement un armistice, afin d’épargner le sang, si l’on avait effectivement envie de s’arranger et d’en venir à un accommodement définitif.

Mais il fut facile à l’Empereur de s’apercevoir qu’on avait d’autres projets ; et comme l’espoir du succès ne pouvait venir à l’ennemi que du côté de l’armée russe, il conjectura aisément que les deuxième et troisième armées étaient arrivées, ou sur le point d’arriver à Olmutz, et que les négociations n’étaient plus qu’une ruse de guerre pour endormir sa vigilance.

Le 7, à neuf heures du matin, une nuée de cosaques, soutenue par la cavalerie russe, fit plier les avant-postes du prince Murat, cerna Vischau, et y prit cinquante hommes à pied du sixième régiment de dragons. Dans la journée, l’empereur de Russie se rendit à Vischau, et toute l’armée russe prit position derrière cette ville.

L’Empereur avait envoyé son aide-de-camp, le général Savary, pour complimenter l’empereur de Russie dès qu’il avait su ce prince arrivé à l’armée. Le général Savary revint au moment où l’Empereur faisait la reconnaissance des feux de bivouac ennemis placés à Vischau. Il se loua beaucoup du bon accueil, des grâces et des bons sentimens personnels de l’empereur de Russie, et même du grand-duc Constantin, qui eut pour lui toute espèce de soins et d’attentions ; mais il fut facile de comprendre, par la suite des conversations qu’il eut pendant trois jours avec une trentaine de freluquets qui, sous différens titres, environnent l’empereur de Russie, que la présomption, l’imprudence et l’inconsidération régneraient dans les décisions du cabinet militaire, comme elles avaient régné dans celles du cabinet politique.

Une armée ainsi conduite ne pouvait tarder à faire des fautes. Le plan de l’Empereur fut dès ce moment de les attendre et d’épier l’instant d’en profiter. Il donna sur-le-champ l’ordre de retraite à son armée, se retira de nuit, comme s’il eût essuyé une défaite, prit une bonne position à trois lieues en arrière, fit travailler avec beaucoup d’ostentation à la fortifier et à y établir des batteries.

Il fit proposer une entrevue à l’empereur de Russie, qui lui envoya son aide-de-camp le prince Dolgorouki : cet aide-de-camp put remarquer que tout respirait dans la contenance de l’armée française la réserve et la timidité. Le placement des grand’gardes, les fortifications que l’on faisait en toute hâte, tout laissait voir à l’officier russe une armée à demi battue.

Contre l’usage de l’Empereur, qui ne reçoit jamais avec tant de circonspection les parlementaires à son quartier-général, il se rendit lui-même à ses avant-postes. Après les premiers complimens, l’officier russe voulut entamer des questions politiques. Il tranchait sur tout avec une impertinence difficile à imaginer : il était dans l’ignorance la plus absolue des intérêts de l’Europe et de la situation du continent. C’était, en un mot, un jeune trompette de l’Angleterre. Il parlait à l’Empereur comme il parle aux officiers russes, que depuis long-temps il indigne par sa hauteur et ses mauvais procédés. L’Empereur contint toute son indignation ; et ce jeune homme, qui a pris une véritable influence sur l’empereur Alexandre, retourna plein de l’idée que l’armée française était à la veille de sa perte. On se convaincra de tout ce qu’a dû souffrir l’Empereur, quand on saura que sur la fin de la conversation, il lui proposa de céder la Belgique et de mettre la couronne de fer sur la tête des plus implacables ennemis de la France. Toutes ces différentes démarches remplirent leur effet. Les jeunes têtes qui dirigent les affaires russes se livrèrent sans mesure à leur présomption naturelle. Il n’était plus question de battre l’armée française, mais de la tourner et de la prendre : elle n’avait tant fait que par la lâcheté des Autrichiens. On assure que plusieurs vieux généraux autrichiens, qui avaient fait des campagnes contre l’Empereur, prévinrent le conseil que ce n’était pas avec cette confiance qu’il fallait marcher contre une armée qui comptait tant de vieux soldats et d’officiers du premier mérite. Ils disaient qu’ils avaient vu l’Empereur, réduit à une poignée de mondé dans les circonstances les plus difficiles, ressaisir la victoire par des opérations rapides et imprévues, et détruire les armées les plus nombreuses ; que cependant ici on n’avait obtenu aucun avantage ; qu’au contraire, toutes les affaires d’arrière-garde de la première armée russe avaient été en faveur de l’armée française ; mais à cela cette jeunesse présomptueuse opposait la bravoure de quatre-vingt mille Russes, l’enthousiasme que leur inspirait la présence de leur empereur, le corps d’élite de la garde impériale de Russie, et, ce qu’ils n’osaient probablement pas dire, leur talent, dont ils étaient étonnés que les Autrichiens voulussent méconnaître la puissance.

Le 10, l’Empereur, du haut de son bivouac, aperçut, avec une indicible joie, l’armée russe, commençant, à deux portées de canon de ses avant-postes, un mouvement de flanc pour tourner sa droite. Il vit alors jusqu’à quel point la présomption et l’ignorance de l’art de la guerre avaient égaré les conseils de cette brave armée. Il dit plusieurs fois : Avant demain au soir cette armée est à moi. Cependant le sentiment de l’ennemi était bien différent : il se présentait devant nos grand’gardes à portée de pistolet : il défilait par une marche de flanc sur une ligne de quatre lieues, en prolongeant l’armée française, qui paraissait ne pas oser sortir de sa position : il n’avait qu’une crainte, c’était que l’armée française ne lui échappât. On fit tout pour confirmer l’ennemi dans cette idée. Le prince Murat fit avancer un petit corps de cavalerie dans la plaine ; mais tout d’un coup il parut étonné des forces immenses de l’ennemi, et rentra à la hâte. Ainsi, tout tendait à confirmer le général russe dans l’opération mal calculée qu’il avait arrêtée. L’Empereur fit mettre à l’ordre la proclamation ci-jointe. Le soir, il voulut visiter à pied et incognito tous les bivouacs ; mais à peine eut-il fait quelques pas qu’il fut reconnu. Il serait impossible de peindre l’enthousiasme des soldats en le voyant. Des fanaux de paille furent mis en un instant au haut de milliers de perches, et quatre-vingt mille hommes se présentèrent au devant de l’Empereur, en le saluant par des acclamations ; les uns, pour fêter l’anniversaire de son couronnement, les autres disant que l’armée donnerait le lendemain son bouquet à l’Empereur. Un des plus vieux grenadiers s’approcha de lui et lui dit : Sire, tu n’auras pas besoin de t’exposer. Je te promets, au nom des grenadiers de l’armée, que tu n’auras à combattre que des yeux, et que nous t’amènerons demain les drapeaux et l’artillerie de l’armée russe pour célébrer l’anniversaire de ton couronnement.

L’Empereur dit en entrant dans son bivouac, qui consistait en une mauvaise cabane de paille sans toit, que lui avaient faite les grenadiers : Voilà la plus belle soirée de ma vie ; mais je regrette de penser que je perdrai bon nombre de ces braves gens. Je sens, au mal que cela me fait, qu’ils sont véritablement mes enfans ; et, en vérité, je me reproche quelquefois ce sentiment, car je crains qu’il ne me rende inhabile à faire la guerre. Si l’ennemi eût pu voir ce spectacle, il eût été épouvanté. Mais l’insensé continuait toujours son mouvement, et courait à grands pas à sa perte.

L’Empereur fit sur-le-champ toutes ses dispositions de bataille. Il fit partir le maréchal Davoust en toute hâte, pour se rendre au couvent de Raygern ; il devait, avec une de ses divisions et une division de dragons, y contenir l’aile gauche de l’ennemi, afin qu’au moment donné elle se trouvât enveloppée : il donna le commandement de la gauche au maréchal Lannes, de la droite au maréchal Soult, du centre au maréchal Bernadotte, et de toute la cavalerie, qu’il réunit sur un seul point, au prince Murat. La gauche du maréchal Lannes était appuyée au Santon, position superbe que l’Empereur avait fait fortifier, et où il avait fait placer dix-huit pièces de canon. Dès la veille, il avait confié la garde de cette belle position au dix-septième régiment d’infanterie légère, et certes elle ne pouvait être gardée par de meilleures troupes. La division du général Suchet formait la gauche du maréchal Lannes ; celle du général Caffarelli formait sa droite, qui était appuyée sur la cavalerie du prince Murat. Celle-ci avait devant elle les hussards et chasseurs sous les ordres du général Kellermann, et les divisions de dragons Valther et Beaumont ; et en réserve les divisions de cuirassiers des généraux Nansouty et Jean Joseph Ange d'Hautpoul, avec vingt-quatre pièces d’artillerie légère.

Le maréchal Bernadotte, c’est-à-dire le centre, avait à sa gauche la division du général Rivaud, appuyée à la droite du prince Murat, et à sa droite la division du général Drouet.

Le maréchal Soult, qui commandait la droite de l’armée, avait à sa gauche la division du général Vandamme, au centre la division du général Saint-Hilaire, à sa droite la division du général Legrand. Le maréchal Davoust était détaché sur la droite du général Legrand, qui gardait les débouchés des étangs, et des villages de Sokolnitz et de Celnitz. Il avait avec lui la division Friant et les dragons de la division du général Bourcier. La division du général Gudin devait se mettre de grand matin en marche de Nicolsburg, pour contenir le corps ennemi qui aurait pu déborder la droite.

L’Empereur, avec son fidèle compagnon de guerre, le maréchal Berthier, son premier aide-de-camp le colonel-général Junot, et tout son état-major, se trouvait en réserve avec les dix bataillons de sa garde et les dix bataillons de grenadiers du général Oudinot, dont le général Duroc commandait une partie.

Cette réserve était rangée sur deux lignes, en colonnes par bataillons, à distance de déploiement, ayant dans les intervalles quarante pièces de canon servies par les canonniers de la garde. C’est avec cette réserve que l’Empereur avait le projet de se précipiter partout où il eût été nécessaire. On peut dire que cette réserve valait une armée.

A une heure du matin, l’Empereur monta à cheval pour parcourir ses postes, reconnaître les feux des bivouacs de l’ennemi, et se faire rendre compte par les grand’gardes de ce qu’elles avaient pu entendre des mouvemens des Russes. Il apprit qu’ils avaient passé la nuit dans l’ivresse et des cris tumultueux, et qu’un corps d’infanterie russe s’était présenté au village de Sokolnitz, occupé par un régiment de la division du général Legrand, qui reçut ordre de le renforcer.

Le 11 frimaire, le jour parut enfin. Le soleil se leva radieux ; et cet anniversaire du couronnement de l’Empereur, où allait se passer l’un des plus beaux faits d’armes du siècle, fut une des plus belles journées de l’automne.

Cette bataille, que les soldats s’obstinent à appeler la journée des trois empereurs, que d’autres appellent la journée de l’anniversaire, et que l’Empereur a nommée la journée d’Austerlitz, sera à jamais mémorable dans les fastes de la grande nation.

L’Empereur, entouré de tous les maréchaux, attendait, pour donner les derniers ordres, que l’horizon fût bien éclairci. Aux premiers rayons du soleil, les ordres furent donnés, et chaque maréchal rejoignit son corps au grand galop.

L’Empereur dit en passant sur le front de bandière de plusieurs régimens : Soldats, il faut finir cette campagne par un coup de tonnerre qui confonde l’orgueil de nos ennemis. Aussitôt les chapeaux au bout des baïonnettes et les cris de vive l’Empereur ! furent le véritable signal du combat. Un instant après la canonnade se fit entendre à l’extrémité de la droite, que l’avant-garde ennemie avait déjà débordée ; mais la rencontre imprévue du maréchal Davoust arrêta l’ennemi tout court, et le combat s’engagea.

Le maréchal Soult s’ébranle au même instant, se dirige sur les hauteurs du village de Pratzen avec les divisions des généraux Vandamme et Saint-Hilaire, et coupe entièrement la droite de l’ennemi, dont tous les mouvemens devinrent incertains. Surprise par une marche de flanc pendant qu’elle fuyait, se croyant attaquante et se voyant attaquée, elle se regarde à demi battue.

Le prince Murat s’ébranle avec sa cavalerie ; la gauche, commandée par le maréchal Lannes, marche en échelons par régimens, comme à l’exercice. Une canonnade épouvantable s’engage sur toute la ligne ; deux cents pièces de canon, et près de deux cent mille hommes, faisaient un bruit affreux : c’était un véritable combat de géans. Il n’y avait pas une heure qu’on se battait, et toute la gauche de l’ennemi était coupée. Sa droite se trouvait déjà arrivée à Austerlitz, quartier-général des deux empereurs, qui durent faire marcher sur-le-champ la garde de l’empereur de Russie, pour tâcher de rétablir la communication du centre avec la gauche. Un bataillon du quatrième de ligne fut chargé par la garde impériale russe à cheval, et culbuté ; mais l’Empereur n’était pas loin : il s’aperçut de ce mouvement ; il ordonna au maréchal Bessières de se porter au secours de sa droite avec ses invincibles, et bientôt les deux gardes furent aux mains. Le succès ne pouvait être douteux : dans un moment la garde russe fut en déroute. Colonel, artillerie, étendards, tout fut enlevé. Le régiment du grand-duc Constantin fut écrasé; lui-même ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval.

Des hauteurs d’Austerliz, les deux empereurs virent la défaite de toute la garde russe. Au même moment le centre de l’armée, commandé par le maréchal Bernadotte, s’avança ; trois de ses régimens soutinrent une très belle charge de cavalerie. La gauche, commandée par le maréchal Lannes, donna trois fois. Toutes les charges furent victorieuses. La division du général Caffarelli s’est distinguée. Les divisions de cuirassiers se sont emparées des batteries de l’ennemi. A une heure après midi la victoire était décidée; elle n’avait pas été un moment douteuse. Pas un homme de la réserve n’avait été nécessaire et n’avait donné nulle part. La canonnade ne se soutenait plus qu’à notre droite. Le corps de l’ennemi, qui avait été cerné et chassé de toutes ses hauteurs, se trouvait dans un bas-fond et acculé à un lac. L’Empereur s’y porta avec vingt pièces de canon. Ce corps fut chassé de position en position, et l’on vit un spectacle horrible, tel qu’on l’avait vu à Aboukir, vingt mille hommes se jetant dans l’eau et se noyant dans les lacs.

Deux colonnes, chacune de quatre mille Russes, mettent bas les armes et se rendent prisonniers ; tout le parc de l’ennemi est pris. Les résultats de cette journée sont quarante drapeaux russes, parmi lesquels sont les étendards de la garde impériale ; un nombre considérable de prisonniers ; l’état-major ne les connaît pas encore tous, on avait déjà la note de vingt mille ; douze ou quinze généraux ; au moins quinze mille Russes tués, restés sur le champ de bataille. Quoiqu’on n’ait pas encore les rapports, on peut, au premier coup d’oeil, évaluer notre perte à huit cents hommes tués et à quinze ou seize cents blessés. Cela n’étonnera pas les militaires, qui savent que ce n’est que dans la déroute qu’on perd des hommes, et nul autre corps que le bataillon du quatrième n’a été rompu. Parmi les blessés sont le général Saint-Hilaire, qui, blessé au commencement de l’action, est resté toute la journée sur le champ de bataille ; il s’est couvert de gloire ; les généraux de division Kellermann et Walther ; les généraux de brigade Valhubert, Thiébaut, Sébastiani, Compan et Rapp, aide-de-camp de l’Empereur. C’est ce dernier qui, en chargeant à la tête des grenadiers de la garde, a pris le prince Repnin, commandant les chevaliers de la garde impériale de Russie. Quant aux hommes qui se sont distingués, c’est toute l’armée qui s’est couverte de gloire. Elle a constamment chargé aux cris de vive l’Empereur ! et l’idée de célébrer si glorieusement l’anniversaire du couronnement animait encore le soldat.

L’armée française, quoique nombreuse et belle, était moins nombreuse que l’armée ennemie, qui était forte de cent cinq mille hommes, dont quatre-vingt mille Russes et vingt-cinq mille Autrichiens. La moitié de cette armée est détruite ; le reste a été mis en déroute complette, et la plus grande partie a jeté ses armes.

Cette journée coûtera des larmes de sang à Saint-Pétersbourg. Puisse-t-elle y faire rejeter avec indignation l’or de l’Angleterre ! et puisse ce jeune prince, que tant de vertus appelaient à être le père de ses sujets, s’arracher à l’influence de ces trente freluquets que l’Angleterre solde avec art, et dont les impertinences obscurcissent ses intentions, lui font perdre l’amour de ses soldats, et le jettent dans les opérations les plus erronées ! La nature, en le douant de si grandes qualités, l’avait appelé à être le consolateur de l’Europe. Des conseils perfides, en le rendant l’auxiliaire de l’Angleterre, le placeront dans l’histoire au rang des hommes qui, en perpétuant la guerre sur le continent, auront consolidé la tyrannie britannique sur les mers et fait le malheur de notre génération. Si la France ne peut arriver à la paix qu’aux conditions que l’aide-de-camp Dolgorouki a proposées à l’Empereur, et que M. de Novozilzof avait été chargé de porter, la Russie ne les obtiendrait pas, quand même son armée serait campée sur les hauteurs de Montmartre.

Dans une relation plus détaillée de cette bataille, l’état-major fera connaître ce que chaque corps, chaque officier, chaque général, ont fait pour illustrer le nom français et donner un témoignage de leur amour à leur Empereur.

Le 12, à la pointe du jour, le prince Jean de Lichtenstein, commandant l’armée autrichienne, est venu trouver l’Empereur à son quartier-général, établi dans une grange. Il en a eu une longue audience. Cependant nous poursuivons nos succès, l’ennemi s’est retiré sur le chemin d’Austerliz à Godding. Dans cette retraite il prête le flanc ; l’armée française est déjà sur ses derrières, et le suit l’épée dans les reins.

Jamais champ de bataille ne fut plus horrible. Du milieu de lacs immenses, on entend encore les cris de milliers d’hommes qu’on ne peut secourir. Il faudra trois jours pour que tous les blessés ennemis soient évacués sur Brünn. Le coeur saigne. Puisse tant de sang versé, puissent tant de malheurs retomber enfin sur les perfides insulaires qui en sont la cause ! puissent les lâches oligarques de Londres porter la peine de tant de maux !

Rapport officiel russe sur la bataille d’Austerlitz

Pétersbourg, 20 février [4 mars]

Gazette de la Cour.

Le général d’infanterie Golenischtschew Kutusow a envoyé à sa Majesté impériale le rapport suivant :

Comme votre Majesté impériale était elle-même à l’armée, lors de la bataille donnée à Austerlitz, le 20 novembre [2 décembre] de l’année dernière, contre les Français, je n’ai pas jugé nécessaire d’envoyer à votre Majesté impériale un rapport provisoire sur les principales circonstances de cette affaire, parce que je voulais en remettre à votre Majesté impériale une relation détaillée, après avoir reçu tous les rapports particuliers nécessaires à cet effet. Mais le mouvement continuel des troupes depuis cette bataille, ne m’a pas permis jusqu’à présent de les rassembler tous. Comme j’en ai cependant reçu la plus grande partie, je m’empresse d’envoyer à votre Majesté impériale la relation de la bataille d’Austerlitz.

D’après les mesures adoptées pour les opérations offensives de notre armée, l’avant-garde, sous le commandement du lieutenant-général prince Bagration, marcha le 14 novembre [26 novembre] en trois divisions sur Vischau, qui était occupé par quatre régimens de cavalerie ennemie. Une division marchait sur la grande route, et les deux autres suivaient de chaque côté. L’ennemi, voyant que le prince Bagration avait le dessein de l’envelopper à Vischau, abandonna sur le champ cette ville. Quatre escadrons de hussards et deux régimens de cosaques eurent ordre d’attaquer l’ennemi, qui se retira en grande hâte, quoique presque toute la cavalerie vînt à son secours, et qu’il nous fût bien supérieur en forces. Il fut poursuivi, pressé et repoussé jusqu’à Rausnitz, où il fut rejoint par de nouvelles troupes. Lorsque le prince Bagration fut arrivé à Rausnitz avec l’avant-garde, il la plaça en ordre de bataille sur les hauteurs, et, par l’effet de son artillerie, fit taire les batteries ennemies dirigées contre lui. Cependant, la garnison ennemie qui se trouvait à Vischau, empêchait la marche de la première division qui suivait la grande route. Le prince Bagration donna à l’adjudant-général prince Dolgorouky, l’ordre de s’emparer de la ville avec un bataillon du sixième régiment de chasseurs et du régiment des mousquetaires de Pskowisch. Cela fut exécuté après quelque résistance ; et les cent soldats et les quatre officiers qui s’y trouvaient, furent faits prisonniers.

Le soir, les tirailleurs ennemis qui s’étaient retranchés dans la petite ville de Rausnitz, soutenus par les batteries, commencèrent un feu très vif contre notre flanc gauche ; mais l’adjudant-général prince Dolgorouky les repoussa avec deux bataillons du régiment de mousquetaires d’Archangelgorod, et s’empara de la ville malgré une vigoureuse résistance. Le lendemain 15 novembre [27 novembre], toute l’avant-garde campa près de la petite ville de Rausnitz. La perte de l’ennemi en tués et blessés fut très considérable : on lui fit vingt-trois officiers et cinq cent soldats prisonniers ; de notre côté, la perte fut très faible, et il ne nous manqua pas un officier.

Les jours suivans, notre armée fit un mouvement sur la gauche de Vischau, et s’approcha de l’ennemi en dépassant Austerlitz. L’ennemi, qui vit l’impossibilité d’éviter une bataille, chercha à fortifier ses positions, et occupa dans la nuit du 19 au 20 novembre [du 1er au 2 décembre], quelques-uns des villages par lesquels nous devions passer. Dans la même nuit, son armée, forte de quatre-vingt mille hommes, reçut encore un renfort de trois divisions ; ce qui la rendait le double en nombre de la nôtre.

Il s’occupa en outre, toute cette nuit, à placer la plus grande et la meilleure partie de ses troupes près de Praz, où il soupçonnait qu’était le centre de notre armée.

Le 20 novembre [2 décembre], à sept heures du matin, nous sortîmes de nos positions près d’Austerlitz. A l’aile gauche était le général d’infanterie comte de Buxhofden, et j’étais au centre avec la quatrième colonne.

La première colonne, sous le commandement du lieutenant-général Dochturow, marcha par le flanc gauche d’Argest par Telnitz, pour, après l’occupation de ce village, défiler vers les étangs qui se trouvent sur la droite. La cavalerie du feld-maréchal Kiehnmeyer devait, dès que la première colonne aurait passé les défilés près de Telnitz, se porter en avant sur Menitz, et se placer dans la plaine entre ces défilés et les étangs, pour couvrir par-là les derrières de toutes les colonnes.

La deuxième colonne, sous le commandement du lieutenant-général comte de Langeron, marcha par le flanc gauche pour forcer la vallée entre Sokolnitz et Telnitz.

La troisième colonne, sous le commandement du lieutenant-général Przibyschewsky, marcha par le flanc gauche tout près du château de Sokolnitz, d’où les têtes des trois colonnes entre Sokolnitz et l’étang situé à gauche avancèrent vers l’étang de Nobolnitz.

La quatrième colonne, sous le commandement du général autrichien feld-maréchal Kollowrath, qui marchait par le flanc gauche, devait passer également ce lieu et placer sa tête dans la même direction que les trois premières colonnes.

De cette manière, les têtes des quatre colonnes formaient un grand front. La première colonne avait ordre d’occuper la forêt de Turas sur la gauche et de faire une attaque décisive sur l’aile droite de l’ennemi, pendant que l’avant-garde du général Bagration, soutenue par de la cavalerie, devait chercher à garnir d’artillerie les hauteurs situées entre Dwaraschna et l’auberge de Lescher, pour par-là couvrir la cavalerie qui avait ses positions à droite et à gauche de cette auberge. On devait également garnir d’artillerie les hauteurs au-delà de la vallée de Dwaraschna.

Le feld-maréchal autrichien prince de Lichtenstein commandait toute la cavalerie.

Le corps de S.A.I. le grand-duc et Czarowitz devait prendre position derrière Blassowitz et Krug, et servir à soutenir la cavalerie du prince Lichtenstein, et la gauche de l’avant-garde du prince Bagration.

D’après ce plan, la première colonne descendit la montagne, traversa vers huit heures du matin le village d’Argest, et, après un combat opiniâtre, força l’ennemi à se retirer sur le village de Telnitz ; il laissa dans ce village les tirailleurs et une partie de l’infanterie, et se plaça derrière avec le reste des troupes.

Un bataillon du 7e régiment de chasseurs fut commandé pour le chasser de ce village ; une brigade fut envoyée pour soutenir ce bataillon : elle entretint avec l’ennemi un feu très vif de mousqueterie; mais voyant que la ligne ennemie se renforçait toujours davantage, elle se jeta enfin sur lui avec la baïonnette, le battit et le mit en fuite. L’ennemi arrêta les fuyards en les faisant soutenir par quelques régimens, rétablit l’ordre parmi eux, attaqua le front des Autrichiens et le culbuta. Le nouveau régiment d’Ingermanland fut mis par là en désordre. Le général d’infanterie comte Buxhofden accourut sans délai, fit faire halte à ce régiment, le reforma et le fit de nouveau avancer vers l’ennemi. Dans ce moment, le combat devint général sur tous les points des colonnes. En vain l’ennemi renforçait ses troupes avec des colonnes fraîches ; en vain redoublait-il sa résistance : le nombre de ses soldats fut obligé de céder à la bravoure et à l’impétueuse hardiesse des régimens russes. Les Français furent battus pour la deuxième fois et mis en fuite. Notre première colonne prit possession du village de Telnitz et des défilés, au-delà desquels on plaça sur une hauteur un bataillon avec deux canons pour couvrir le flanc gauche. Les autres bataillons marchèrent, d’après les dispositions arrêtées, sur Turas, ou sur la forêt de Turas.

Les ennemis repoussés se mirent de nouveau en ordre, et, après avoir reçu des renforts, se jetèrent avec vivacité sur la première colonne : mais ils furent encore cette fois complètement culbutés ; et cette colonne, qui observa exactement les dispositions arrêtées, poursuivit sans relâche l’ennemi déjà battu pour la troisième fois.

Sans avoir égard au danger qui le menaçait sur son flanc droit, l’ennemi dirigea toute son attention sur le centre de notre armée, contre lequel, comme il a déjà été dit plus haut, il avait placé la plus grande partie de ses forces. Le lieutenant-colonel Monachtin fut détaché de la quatrième colonne avec deux bataillons des régiments Novgorod et Apscheron, pour occuper le village situé devant cette colonne, pendant que celle-ci commençait à se mettre en bataille. Mais ces deux bataillons n’avaient point encore réussi à pénétrer dans le village, lorqu’ils furent subitement culbutés par un corps considérable qui y avait pris position. Ils furent encore poursuivis sur le flanc gauche de la colonne par un autre corps beaucoup plus considérable, qui aussi, dans un moment, atteignit même notre flanc.

Lorsque je vis que l’ennemi avait le dessein de s’emparer des hauteurs qui se trouvaient derrière nous, et de nous attaquer par derrière lorsqu’il nous aurait coupé la retraite, je donnai ordre au corps de réserve, composé de troupes autrichiennes qui se trouvaient derrière la quatrième colonne, de se mettre en front devant le flanc gauche et d’arrêter l’impétuosité de l’ennemi.

Ce corps de réserve prit en effet la position qui lui était assignée, mais se retira aux premières décharges de l’ennemi, et laissa le flanc de la colonne complètement à découvert. L’ennemi s’empressa de marcher une seconde fois sur notre flanc, de renforcer ses troupes, et de faire sur nous l’attaque la plus vive et la plus désespérée, pendant que cette colonne était obligée d’opérer sans cesse contre d’autres troupes françaises qui étaient directement en face d’elle.

Quoique cette quatrième colonne fut la plus faible de toutes (elle était composée des régimens affaiblis par la retraite de Braunau), elle se défendit cependant avec courage et se maintint longtemps dans sa position en supportant un feu très vif ; mais lorsque les majo-généraux Berg et Repninsky furent blessés, et que par-là leurs brigades restèrent sans chefs, le désordre s’y mit, et les autres commencèrent aussi à se retirer. Comme je m’aperçus dans ce moment que la force de l’ennemi, dirigée contre notre centre, était quatre à cinq fois plus considérable que la nôtre, et qu’elle finirait enfin, malgré toute l’intrépidité de nos troupes, par rompre la ligne et par s’emparer des hauteurs (ce qui lui aurait donné les moyens d’attaquer l’aile gauche de notre armée par derrière), je m’y rendis aussitôt, afin de prendre les mesures nécessaires pour rendre vain le projet de l’ennemi. En montant la montagne, je trouvai les régimens Fanorgorcy et Raschsky coupés de la deuxième colonne. Je les rangeai en bataille, et j’ordonnai au major-général comte de Kamensky d’occuper sans délai, avec ces régimens, le sommet de la montagne vers laquelle l’ennemi se portait des deux côtés. Ces régimens firent beaucoup de mal à l’ennemi ; mais ils furent enfin obligés de céder au nombre. Ils se reformèrent au pied de la montagne, et restèrent en présence de l’ennemi jusqu’à trois heures et demie. Pendant ce temps-là, le général feld-maréchal prince de Lichtenstein ordonna au lieutenant-général Essen d’attaquer avec sa cavalerie celle de l’ennemi, qui, soutenue par quelques colonnes d’infanterie, faisait mine de vouloir attaquer par son flanc le corps de S.A.I. le grand-duc et Czarowitz. L’ordre du général prince de Lichtenstein fut parfaitement exécuté. La cavalerie ennemie ne put tenir malgré tous ses efforts, et prit la fuite dans le plus grand désordre après une perte considérable.

Le régiment de hulans de S.A.I. rompit, dès le commencement de l’attaque, avec le sabre, la ligne ennemie, et poursuivit les fuyards, qui partout trouvaient la mort. Mais son extrême ardeur contribua dans la suite à sa perte ; car, non content de la pleine déroute de l’ennemi, il continua à le poursuivre dans sa fuite jusqu’aux colonnes même de son infanterie, où il fut reçu par une décharge à mitraille de plus de trente pièces de canon qui le mit en désordre et le força à la retraite, avec perte de beaucoup de monde.

Dans ces circonstances, convaincu que l’ennemi, qui était plus fort que nous sur tous les points, finirait par s’emparer de toutes les positions avantageuses, je regardai la retraite comme absolument nécessaire, et j’en donnai, sans délai, l’ordre à toutes les colonnes. Lorsqu’en conformité de cet ordre, nos deuxième, troisième et quatrième colonnes, ainsi que les régimens Fanogorcy et Raschky, se retiraient, et que pendant ce temps l’ennemi s’emparait des hauteurs, S.A.I. le grand-duc et czarowitz conduisit la garde de votre Majesté impériale, qui était sous son commandement, pour attaquer l’ennemi, afin d’arrêter son impétuosité. L’intrépidité avec laquelle la garde se précipita sur l’ennemi, et la bravoure exemplaire de tous ses officiers, jetèrent la confusion dans les rangs de l’ennemi, qui fut mis en désordre et culbuté avec la baïonnette. Non seulement notre cavalerie rompit la cavalerie ennemie, mais elle enfonça même ses colonnes d’infanterie, parmi lesquelles elle fit un carnage horrible : le régiment des gardes à cheval prit à l’ennemi un drapeau, qui fut défendu avec beaucoup d’opiniâtreté.

En général, toute la garde combattit à cette attaque avec cette valeur digne d’un cops qui a le bonheur d’entourer la personne sacrée de votre Majesté impériale ; mais elle fut aussi forcée de mettre des bornes à son activité, car toute l’armée était déjà en retraite. S.A.I. rassembla ses troupes, les reforma et se retira dans le meilleur ordre en face de l’ennemi. Le régiment des chevaliers gardes, qui se jeta avec une vivacité extraordinaire sur la cavalerie ennemie, au moment même où elle se disposait à charger les gardes-du-corps en retraite, contribua beaucoup au bon ordre de cette retraite, et empêcha que l’ennemi ne parvînt à son but. J’envoyai en même temps à ce corps un guide pour le conduire à Austerlitz, afin qu’il pût occuper les hauteurs situées devant cet endroit.

Le lieutenant-général prince Bagration avait reçu l’ordre de maintenir sa position à Posorsckitz, jusqu’à ce que le général d’infanterie comte de Buxhofden eût tourné l’aile droite de l’ennemi : mais il ne lui fut pas possible de remplir ce but ; car l’ennemi le prévint par une attaque, avec un corps considérable, sur son flanc gauche, et sur la cavalerie du lieutenant-général Uwarow, qui était placée dans cet endroit pour protéger ce flanc : ce qui engagea le lieutenant-général prince Bagration à venir au secours de son flanc gauche avec toute l’avant-garde. Il continua le combat dans cet endroit sans interruption, et ne se retira que lorsqu’il eut reçu l’ordre de se réunir à la gauche à Austerlitz. La cavalerie sous le commandement du lieutenant-général Uwarow, pressée par la cavalerie ennemie, bien supérieure et soutenue encore par ses colonnes d’infanterie, la repoussa aussi plusieurs fois ; mais elle fut enfin également forcée de céder à la supériorité du nombre et d’occuper une hauteur, qu’elle garda même jusqu’au soir. Ce mouvement couvrit la retraite du flanc droit de la division du général prince Bagration.

Ainsi se termina la bataille générale du 20 novembre [2 décembre], dans laquelle les troupes russes, encouragées par la présence de votre Majesté impériale, ont donné de nouvelles preuves de leur bravoure et de leur intrépidité. Ces troupes restèrent jusqu’a minuit en présence de l’ennemi, qui n’osa pas renouveler son attaque. Elles reçurent alors l’ordre de se mettre en marche sur la route de la Hongrie, en se dirigeant vers la petite ville de Czertsch ; et l’arrière-garde, sous le commandement du prince Bagration, prit position devant la petite ville d’Urschitz, où elle eut encore le lendemain un petit combat avec l’ennemi.

Nous avons perdu dans cette bataille les pièces de batterie et de campagne de nos première et deuxième colonnes. Ces colonnes furent, par la méprise des guides autrichiens, conduites par un chemin sur lequel il n’était pas possible de traîner du canon ; en outre, le pont devait passer rompit : en conséquence, on donna l’ordre d’abandonner l’artillerie.

Les généraux blessés sont le général Essen, qui est mort de ses blessures.

Les majors généraux Sacken, Depreradowitsch, Gishizkin, Repninsky, Berg et Muller : ces trois derniers sont prisonniers, ainsi que les lieutenans-généraux Przibyschewsky et Wimpser, et les majors-généraux Sellechow, Strick et Schewlakow : ce dernier était malade, il quittait Vischau dans sa voiture et n’a pas du tout été à la bataille. En général, d’après les comptes les plus exacts, toute notre perte en tués et en prisonniers ne s’élève pas à plus de 12 mille hommes.

Celle de l’ennemi, au contraire, d’après toutes les nouvelles reçues, se monte, tant en tués que blessés, à près de 18 mille hommes. Cette perte de l’ennemi n’est pas douteuse ; d’abord à cause du nombre de ses troupes, qui partout offrait de grandes masses à notre artillerie, à notre mousqueterie et à nos baïonnettes, et ensuite parce que ses premières colonnes, et, sur plusieurs points, ses deuxièmes, furent complétement culbutées et poursuivies avec la baïonnette.

Au surplus, le colonel Lanskoy, que j’ai envoyé au quartier général français pour l’échange des prisonniers, m’en remettra à son retour l’état exact, que je m’empresserai d’adresser sans délai à votre Majesté impériale ; et alors on verra par le nombre des soldats qui nous manquent combien sont restés sur le champ de bataille et combien sont tombés au pouvoir de l’ennemi.

Brody, le 14 janvier [26 janvier] 1806.