Date et lieu
- 20 et 21 mars 1814 à Arcis-sur-Aube, commune du département de l'Aube (désormais en région Grand-Est).
Forces en présence
- Armée française (20 000 puis 28 000 hommes) sous le commandement de l'Empereur Napoléon 1er.
- Armée autrichienne (80 à 100 000 hommes, qui ne seront pas tous engagés), sous les ordres du prince Karl Philipp zu Schwarzenberg.
Pertes
- Armée française : 1 700 tués, disparus ou blessés, 800 prisonniers, 3 canons
- Armée alliée : environ 4 000 hommes tués, disparus ou blessés
Panoramiques aériens du champ de bataille d'Arcis-sur-Aube
Après sa série de victoires sur l'armée de Silésie, Napoléon se retourne contre l'armée autrichienne. Son but est toujours d'empêcher la jonction des deux armées ennemies et de protéger ainsi Paris d'une attaque conjointe. Il va subir un échec, la disproportion des forces étant cette fois insurmontable.
Situation générale et plan d'action de Napoléon
Après la bataille de Reims du 13 mars 1814, Napoléon accorde à ses troupes trois jours de repos puis entreprend de se porter sur les arrières du prince Karl Philipp zu Schwarzenberg. Depuis la reprise par les Français de Reims , Soissons et Châlons, le généralissime allié a dû allonger sa droite pour conserver ses communications avec Gebhard Leberecht von Blücher, que les opérations du début du mois de mars ont repoussé à Laon.
Il en résulte un étalement excessif du front de la grande armée alliée, qui laisse espérer de pouvoir soit l'affronter par fractions soit l'obliger à se regrouper, ce qu'elle ne pourrait guère faire sans reculer jusqu'à Bar-sur-Aube .
Dans un cas comme dans l'autre, l'Empereur estime que Blücher, isolé, ne pourra plus marcher sur Paris ou bien, le faisant seul, ne sera plus en mesure de s'en emparer. D'ailleurs, dans ces circonstances, c'est à dire hors de la présence des souverains alliés, il est probable que même la chute de la capitale ne serait pas de nature à entraîner celle du régime.
Napoléon laisse donc sur l'Aisne les maréchaux Edouard Mortier et Auguste Viesse de Marmont avec près de 20 000 hommes pour couvrir Paris et dissimuler son propre mouvement.
Il n'emmène avec lui que 10 000 fantassins et 6 000 cavaliers, comptant sur un renfort de 6 000 hommes que doit lui amener le général Charles Lefebvre-Desnouettes, et surtout sur le corps d'Etienne Macdonald avec lequel la jonction est prévue le 20 sur l'Aube. Le tout doit lui composer une armée de 55 000 soldats, dont près de 17 000 cavaliers.
Mouvements préliminaires et position avant la bataille
L'Empereur se met en route le 17 mars. Il passe par Epernay , Avize, Vertus , la Fère-Champenoise et atteint Plancy-l'Abbaye [48.56953, 3.96616] le 19, dans l'intention d'attaquer l'ennemi de flanc pendant sa marche entre l'Aube et la Seine, puisqu'il manifeste l'intention de se regrouper autour de Troyes .
Face à ce mouvement, dont l'interprétation lui pose des difficultés, Schwarzenberg manifeste une extrême irrésolution. Du coup, ses propres manoeuvres deviennent quelque peu erratiques et ce n'est que le 19 au soir, en apprenant que Napoléon occupe Plancy et Méry-sur-Seine [48.50773, 3.89025] sans avoir attaqué Arcis [48.53669, 4.14188], qu'il en déduit que l'objectif de ce dernier est Troyes et non Brienne comme il l'a cru à plusieurs reprises durant ces dernières journées.
A ce moment là, les positions françaises sont les suivantes :
- Napoléon est à Plancy avec les escadrons de service, la division Friant bivouaquant de chaque côté de l'Aube ;
- L'infanterie du maréchal Michel Ney est un peu en arrière du village, sa cavalerie à Viâpres.
- Le reste de l'armée est encore loin. Le maréchal Macdonald du côté de Villenoxe avec sa cavalerie ; son infanterie entre Provins et lui ; quelques détachements à Sézanne et La Ferté-Gaucher ; la division de Michel-Marie Pacthod à Bray, Nogent et Pont-sur-Seine.
Du côté allié :
- Le général Nikolaï Nikolaïevitch Raïevski (Николай Николаевич Раевский) est devant Troyes, à Pont-Sainte-Marie où Ignácz Gyulay et le prince-héritier Frédéric-Guillaume de Wurtemberg (Wilhelm Friedrich Karl von Württemberg) vont le rejoindre dans le courant de la nuit ;
- Carl Philipp von Wrede est aux alentours de Nogent-sur-Aube ;
- Les gardes et la réserve sont un peu au nord de Brienne, vers Perthes-les-Brienne.
Se trouvant avoir presque toute son armée autour de lui, Schwarzenberg décide de passer à son tour à l'attaque. Son plan est de réunir ses forces devant Plancy et de rejeter les Français soit sur la rive nord de l'Aube soit sur la rive sud de la Seine, selon leur position au moment de l'engagement. Les ordres qu'il donne sont tous basés sur cette conception.
Rajewski et Giulay doivent se placer sous les ordres de Wurtemberg et se porter tous ensemble en colonnes à la hauteur de Charmont dès neuf heures le lendemain. Il leur est prescrit de se diriger ensuite sur Plancy, pour l'infanterie, et, pour la cavalerie, de couvrir la gauche du dispositif jusqu'à Méry.
Les colonnes de Wrede sont attendues à la même heure à la hauteur de Chaudrey (à l'est), sa cavalerie assurant la liaison avec Wurtemberg. Leur mission particulière est de longer l'Aube, de passer Arcis et de s'emparer du défilé du ruisseau La Barbuise.
Enfin, il est prévu que les gardes et la réserve, après avoir passé l'Aube à Lesmont , auront, à ce même instant, atteint leur position autour d'Auzon et en avant de Mesnil-Lettre. L'attaque est planifiée pour onze heures.
Les combats du 20 mars
Dans la matinée du 20, vers dix heures, Napoléon fait occuper Arcis par le maréchal Ney et le général Horace Sébastiani .
Les habitants les ayant informés de l'approche d'une armée alliée, les forces françaises se mettent en position de défendre le village :
- La division de Jean Guillaume Janssens contrôle la route de Brienne, à la hauteur de Grand-Torcy [Torcy-le-Grand] [48.53337, 4.16922] ;
- Les cavaliers de Sébastiani celle de Troyes ;
- La division de Jean-Marie Antoine Defrance s'avance vers Vinets en direction de Ramerupt ;
- Les divisions de Louis Friant et Louis-Michel Letort de Lorville sont également appelées à Arcis mais, par suite d'un malentendu, le second n'amène que ses dragons.
Vers treize heures, l'Empereur se porte lui-même à Arcis et fait reconnaître la position de l'ennemi. Sur la foi d'un rapport qui ne signale que quelques partis de cosaques, il décide d'attendre sur place le reste de ses troupes et au premier chef le corps de Macdonald, dont il escompte l'arrivée dans la journée.
De leur côté, les coalisés sont en retard sur leur horaire en raison du repos qu'il leur a bien fallu accorder à certaines de leurs troupes, harassées par les marches. Ce n'est que vers une heure que Schwarzenberg, voyant que les Français occupent déjà Arcis-sur-Aube, donne le signal d'attaquer le village, dont il veut s'emparer pour marcher ensuite sur Plancy. Wrede est alors déployé depuis Vinets (sur la rive droite de l'Aube) jusqu'à la route de Troyes et c'est lui qui porte les premiers coups.
Ils tombent en premier lieu sur les cavaliers de Sebastiani, trop isolés sur la route de Troyes. Manquants d'appui, chargés par un ennemi supérieur en nombre, bombardés, ils sont enfoncés et refluent en désordre sur Arcis. Napoléon en personne, l'épée à la main, doit se jeter devant les fuyards pour enrayer la débandade. L'arrivée de la division Friant rétablit la situation.
Simultanément, Wrede attaque Grand-Torcy et en chasse les Français avant d'en être lui-même repoussé. Il ne parviendra plus à le reprendre malgré des efforts soutenus pour y parvenir.
Au centre, Wurtemberg progresse vers Plancy sans rencontrer d'opposition jusque vers quatre heures de l'après-midi, aux alentours de Rhèges. Il coupe alors la route de la portion oubliée de la division Letort, qui s'en va vers Arcis rejoindre son chef. Attaquée de front et sur ses deux ailes, cette troupe d'élite, formée de grenadiers et de chasseurs de la garde, se défend vaillamment et parvient, avec l'aide opportune de quelques renforts munis d'artillerie, à se replier sur Méry.
Pendant ce temps, le combat se prolonge devant Arcis. A six heures du soir, Schwarzenberg tente un dernier effort pour s'emparer de Torcy. Un corps de grenadiers russes, une division de cuirassiers, la garde à cheval prussienne sont jetés dans la mêlée, appuyés par soixante-dix canons.
En face, les défenseurs, renforcés de la division Friant et de deux bataillons de gendarmes, tiennent bon, malgré la perte de leur chef, le général Jan-Guillaume Janssens, grièvement blessé.
Le combat se prolonge jusqu'à vingt-trois heures, à la lueur des flammes qui consument Arcis, incendiée par le bombardement des coalisés. Enfin, ceux-ci se lassent et abandonnent le champ de bataille.
Sur la route de Troyes, Sébastiani, après avoir repris sa position, s'est battu tout le jour avec plus ou moins de bonheur quand il reçoit, à la tombée de la nuit, le renfort de la division du général Lefebvre-Desnouettes. Il en profite pour effectuer, vers neuf heures du soir, une nouvelle attaque qui manque de peu d'enfoncer l'aile gauche de Wrede. Mais celui-ci parvient cependant à contenir la charge et Sebastiani reprend sa place à droite (ouest) d'Arcis, sans que l'ennemi ne le poursuive.
A l'extrême-droite alliée enfin, sur la rive droite de l'Aube, la division Defrance repousse ses assaillants jusqu'à Ramerupt. Elle ne s'arrête que lorsque le commandement allié, inquiet pour Brienne, envoie une division supplémentaire sur place.
L'armée française reste à l'issue de cette journée maîtresse du champ de bataille. Elle y bivouaque.
Dispositions prises dans la nuit du 20 au 21 mars
Dans la nuit, Schwarzenberg, à la lecture de rapports qui évaluent les forces de l'Empereur à soixante-dix mille hommes, se convainc que Napoléon a l'intention de l'attaquer en rase-campagne le lendemain. Il choisit d'accepter la bataille et re-déploie son armée en se basant sur cette hypothèse.
Le 21, les coalisés occupent les positions suivantes :
- Sur la rive droite de l'Aube, une division de garde légère se tient vers Ramerupt, constituant l'extrême-droite du dispositif ;
- Le corps de Wrede forme la droite, entre Ortillon et Mesnil-la-Comtesse ;
- Viennent ensuite le corps de Wurtemberg et celui de Giulay ; puis, organisée en échelons, la cavalerie de ces deux corps réunie à celle du corps de Rajewksi, qui prolonge pour sa part la ligne jusqu'en arrière de Nozay ;
- Les cosaques tiennent l'extrême-gauche, bordant l'ouest de la Barbuise, de Nozay à Pouans.
- Les gardes, plusieurs divisions de grenadiers et de cuirassiers se tiennent dans la position occupée la veille par la réserve au nord de Brienne.
Le prince de Schwarzenberg complète ses préparatifs en faisant monter en ligne soixante-douze bouches à feu.
Napoléon, pour sa part, croit pouvoir déduire du peu de forces jetés dans la bataille le 20 par les coalisés que ces combats n'ont servi qu'à masquer leur retraite. Comme divers rapports le confortent encore dans cette idée au cours de la nuit, il prend ses dispositions pour affronter le lendemain le faible contingent qu'il pense avoir en face lui à ce moment-là.
Il rappelle plusieurs divisions restées à Plancy, leur fait passer l'Aube au petit-jour et, vers huit heures, le maréchal Nicolas Oudinot étant arrivé avec des renforts, range son armée en bataille :
- Ney est à gauche avec 13 500 fantassins ;
- Oudinot au centre avec 9 000 hommes ;
- Sébastiani à droite avec 7 300 cavaliers,
soit en tout moins de 30 000 combattants.
Les opérations du 21 mars : Napoléon se retire
Vers dix heures, Sébastiani reçoit l'ordre d'avancer, appuyé par Ney. Ils découvrent alors l'armée ennemie, forte de près de 110 000 soldats en ordre de bataille, qui les attend sur le plateau au sud d'Arcis.
Malgré la disproportion des forces, Sébastiani engage le combat en attaquant la cavalerie alliée après s'être emparé de Moulin-Neuf [approximativement 48.53560, 4.06391], sur le ruisseau Barbuise, à 3 kilomètres à l'ouest de Villette.
Pendant ce temps, Ney fait prévenir Napoléon. Celui-ci s'avance sur une hauteur d'où il peut juger de lui-même combien sa situation est hasardée.
Fort de sa supériorité numérique, Schwarzenberg a aisément de quoi lui faire front tout en envoyant le corps de Wrede l'attaquer à Torcy, sur son flanc gauche, à peu près dégarni.
Le corps du maréchal Macdonald ne pouvant pas arriver avant le soir, l'Empereur préfère ne pas hasarder l'élite de son armée dans un combat trop inégal et prend le parti de battre en retraite. Les divisions sous le commandement de Ney sont les premières à se replier tandis que l'infanterie d'Oudinot soutient encore un moment la cavalerie qui se charge de couvrir ce mouvement rétrograde. Pour faciliter l'évacuation des derniers soldats, un pont est improvisé, entre Ormes et Villette .
En face, Schwarzenberg attend l'attaque de Napoléon, dont l'apparition des têtes de colonnes françaises sur le plateau d'Arcis a semblé confirmer l'imminence. Les résultats des premières charges menées par Sébastiani l'ont cependant inquiété car la cavalerie de Pavel Petrovitch Pahlen (Па́вел Петро́вич Па́лен) a failli être culbutée et il a fallu l'intervention du second échelon pour la tirer de ce mauvais pas.
Peu confiant, il craint d'être débordé sur sa droite comme sur sa gauche et reste immobile pendant quatre heures, attendant de voir se développer les manoeuvres adverses pour réagir.
Vers quatorze heures, le doute n'est plus possible : les Français font retraite. Schwarzenberg se décide alors à faire avancer son armée. Toujours soucieux de protéger la route de Brienne, il déploie son aile droite au-delà de l'Aube où Wrede s'installe entre Dommartin et Donnement. Deux divisions de grenadiers sont laissées sur place à Chaudrey et sur les hauteurs de Mesnil-la-Comtesse, appuyée d'un peu de cavalerie tandis que le reste des gardes et la réserve se positionne en soutien de Wrede sur la Voire . Le prince de Wurtemberg, lui, secondé par Giulay et Raïewski, est chargé d'attaquer les troupes qui couvrent encore Arcis et de s'emparer de la ville.
A ce moment-là, si Sébastiani poursuit le combat, Ney a déjà passé l'Aube. Oudinot reçoit l'ordre de protéger les approches d'Arcis et de retenir l'ennemi le plus longtemps possible. Les rues sont barricadées et des sapeurs se tiennent prêts à détruire le pont [48.53830, 4.14201].
L'infanterie de Wurtemberg se présente en colonnes devant la cité tandis que le plus gros de la cavalerie se jette sur celle de Sébastiani. Celui-ci entame alors une retraite en échiquier et parvient à passer en bon ordre le pont de Villette.
Pendant ce temps, Arcis est soumis à une si violente canonnade que le maréchal Oudinot, ne pouvant résister à l'attaque de quarante mille hommes, ordonne également à ses soldats de décrocher. Le passage du pont ne se fait pas sans difficultés, l'ennemi parvenant à s'établir un moment dans le faubourg de Méry.
Mais enfin l'évacuation de la ville se réalise à peu près dans l'ordre et le duc de Reggio (Oudinot) peut prendre position sur la rive droite de l'Aube, au hameau des Vasseurs (au croisement de la route de Châlons et de celle qui va d'Ormes aux Chênes) tandis que les sapeurs procèdent derrière lui à la destruction du pont, sous la protection d'une de ses brigades.
A neuf heures du soir arrive le maréchal Macdonald. Une partie de ses troupes et la cavalerie du général François-Etienne Kellermann s'établissent à Ormes où se trouve déjà Sébastiani. Le reste prend position à Viapre-le-Petit, un peu plus à l'ouest. Napoléon, lui, est déjà à Sompuis .
Les alliés s'installent à Arcis, Donnement, Dommartin, Ramerupt, Luistre et Vinets.
Bilan et conséquences
Ces deux journées ont coûté aux Francais 2 500 hommes et trois canons, aux alliés probablement 4 000 soldats. Le bilan n'est donc pas catastrophique et c'est moins la perte de l'engagement lui-même que l'échec général du plan d'opération de Napoléon, dont la bataille est plus l'effet que la cause, qui est lourd de conséquences.
Napoléon n'a en effet obtenu, en se portant sur Schwarzenberg, aucun des deux résultats espérés : le battre en détail ou le repousser jusqu'à Bar-sur-Aube.
Pour obtenir d'une autre façon le même résultat, Napoléon prend le parti d'opérer sur les lignes de communications de l'ennemi, de les couper de leurs bases et de les priver de leurs munitions. Il prend donc sans perdre un instant la route de Vitry et de Saint-Dizier. Comment les alliés pourraient-ils le laisser faire sans se mettre à sa poursuite et s'éloigner ainsi de Paris ?
Carte de la bataille d'Arcis-sur-Aube
Tableau - "Napoléon au pont d'Arcis-sur-Aube". Peint par Jean-Adolphe Beaucé.
Le maréchal Oudinot reçut à l'occasion de cette bataille la trente-deuxième et dernière blessure de sa glorieuse carrière : une balle le frappa en pleine poitrine, mais s'écrasa sur sa plaque de grand aigle de la légion d'honneur !
Témoignages
Manuscrit de 1814
[...] Le 20 mars, toute l'armée était donc en marche pour remonter l'Aube : on arrive de bonne heure à la hauteur d'Arcis. On ne devait pas s'y arrêter ; mais on aperçoit sur la route de Troyes quelques troupes ennemies : des détachemens vont les reconnaître ; ils trouvent de la résistance, l'avant-garde s'engage, le canon gronde. Napoléon accourt, il appelle successivement toutes ses troupes ; les forces de l'ennemi s'accroissent aussi, mais dans une proportion bien plus forte ; et bientôt Napoléon, qui a eu l'espoir de tomber sur un corps isolé, reconnaît que c'est l'armée de Schwartzenberg tout entière qu'il a devant lui.
De nouvelles résolutions chez les alliés avaient amené de nouveaux hasards.
Au moment où le prince Schwartzenberg se disposait à évacuer Troyes pour continuer sa retraite, l'empereur Alexandre s'était opposé à ce mouvement. Un conseil de guerre avait été convoqué dans la nuit, et l'on avait avisé aux moyens de ne pas toujours reculer devant nos petites armées. A cet effet, on était convenu de se procurer une masse de forces telle que le nombre pût désormais l'emporter sur le courage, triompher des manoeuvres et maîtriser toutes les chances. Le nouveau plan consiste à réunir en une seule armée les forces immenses de Blùcher et de Schwartzenberg. Toute opération d'attaque ou de retraite doit être ajournée jusqu'après cette grande concentration. Déjà l'ordre avait été donné à Blùcher de se rapprocher des bords de la Marne ; en conséquence, il n'y a plus qu'à se mettre en marche pour aller au-devant de lui. Le rendez-vous général est donné dans les plaines de Châlons ; Schwartzenberg s'y rendait par la route d'Arcis.
Combien Napoléon, fatigué de conseils timides et de récits décourageans, était loin de soupçonner qu'il pût encore intimider ses ennemis au point de leur inspirer des marches d'une si haute prudence ! En cherchant à manoeuvrer sur leurs flancs, il est tombé dans la nouvelle direction qu'ils viennent de prendre, et retrouve leur avant-garde. Cette rencontre est extrêmement critique pour l'armée française. Napoléon y court personnellement de grands risques. Enveloppé dans le tourbillon des charges de cavalerie, il ne se dégage qu'en mettant l'épée à la main. A diverses reprises il combat à la tête de son escorte ; et loin d'éviter les dangers, il semble au contraire les braver. Un obus tombe à ses pieds ; il attend le coup, et bientôt disparaît dans un nuage de poussière et de fumée : on le croit perdu; il se relève, se jette sur un autre cheval, et va de nouveau se placer sous le feu des batteries...! La mort ne veut pas de lui.
Tandis que l'ennemi se développe et forme un demi-cercle qui nous renferme dans Arcis, l'armée française se rallie sous les murs crénelés des maisons des faubourgs. La nuit vient la protéger dans cette position, mais on ne peut espérer de s'y maintenir long-temps ; à chaque instant l'ennemi nous resserre davantage. Les boulets se croisent dans toutes les directions sur la petite ville d'Arcis ; le château de M. de la Briffe, où se trouve le quartier impérial, en est criblé. Les faubourgs sont en feu, et nous n'avons qu'un seul pont derrière nous pour sortir de ce mauvais pas. Napoléon met la nuit à profit ; le 21 au matin, un second pont est jeté sur l'Aube, et le mouvement d'évacuation commence.
Cependant l'affaire s'est engagée de nouveau sur toute la ligne, et dure une partie de la journée. On ne combat plus pour la victoire, mais on fait tête à l'ennemi ; on le retient, on l'arrête, quand il pouvait nous écraser, et l'on repasse l'Aube avec ordre. Les ducs de Tarente et de Reggio restent les derniers sur la rive gauche.
Cette affaire achève de convaincre l'armée qu'elle est trop faible pour lutter corps à corps contre les masses de l'ennemi. N'ayant pu leur barrer le passage de l'Aube, pouvons-nous penser à leur disputer le chemin de la capitale ? Napoléon ne veut point reculer devant Schwartzenberg jusqu'aux barrières de Charenton. Il abandonne la route de Paris, et opère sa retraite par les chemins de traverse qui conduisent du côté de Vitry-le-Français et de la Lorraine. [...]
Agathon-Jean-François FainCrédit photos
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