Date et lieu
- 22 avril 1809 à Eckmühl [de nos jours Eggmühl], localité de Bavière à 50 kilomètres au nord de Munich [München] et à 26 kilomètres au sud-sud-est de Ratisbonne [Regensburg].
Forces en présence
- Armée française d'environ 35 000 hommes sous le commandement du maréchal Davout puis 100 000 sous celui de l'Empereur Napoléon 1er.
- Armée autrichienne (80 000 hommes) sous les ordres de l'archiduc Charles Louis d'Autriche, duc de Teschen.
Pertes
- Armée française : de 3 500 à 8 000 hommes morts ou blessés, selon les sources.
- Armée autrichienne : de 6 000 à 12 000 hommes hors de combat, plus 4 000 prisonniers.
La situation générale
Les Français, depuis que Napoléon a pris, le 18 avril 1809, le commandement de la campagne, ont accumulé les succès, à Tengen (le 19), Abensberg (le 20) et Landshut (le 21). L'Empereur a néanmoins échoué à couper en deux l'armée autrichienne, dont il ignore à vrai dire où se trouve le plus gros des forces. Mais en cherchant à lui barrer la route de Vienne [Wien] par la prise de Ratisbonne [Regensburg], l'archiduc Charles dévoile sa position.
Napoléon, depuis Landshut, décide de marcher vers le nord et d'y chercher une bataille décisive. Pour la préparer, le maréchal Davout reçoit, dès le 21, l'ordre de prendre l'offensive afin de clouer l'archiduc sur la position qu'il s'est choisie.
Ce mouvement effraie le commandement autrichien, qui, craignant d'avoir déjà en face de lui Napoléon en personne, reste ce jour-là, au rebours de ses projets, sur une prudente expectative. Le soir, poussés par les Français, les Autrichiens ont à peu près regagné un campement qu'ils ont pourtant quitté le matin avec des intentions offensives.
Les positions des armées
La position autrichienne, d'ailleurs, est avantageuse. Son armée, forte d'environ quatre-vingt mille hommes, s'étend, derrière le Gross Laber
La ligne autrichienne est ainsi couverte par les marécages que forme la rivière. Diverses unités sont également établies dans des villages et sur une succession de collines assez élevées, densément boisées et difficiles d'accès.
Les troupes de Davout se disposent presque parallèlement, un peu plus à l'ouest. A gauche, la division de Louis Friant
Deux camps décidés à en découdre
Napoléon, comme Charles d'Autriche, prennent pour ce 22 avril des dispositions offensives.
L'Empereur, pour sa part, marche sur Eckmühl depuis Landshut en menaçant le flanc gauche autrichien. Il amène avec lui les corps de Jean Lannes et d'André Masséna presque au complet, les Wurtembourgeois de Dominique-Joseph Vandammme et les cuirassiers d'Étienne Marie Antoine Champion de Nansouty
De son côté, l'archiduc Charles passe la nuit du 21 au 22 à préparer un mouvement offensif. Il fait avancer son aile droite devant Ratisbonne pour que ses troupes forment une ligne entre le Danube
L'attaque qu'il projette doit se faire en trois colonnes. La première, de 24 000 hommes, sous les ordres de Johann Karl von Kollowrat-Krakowsky, avancera de Burg-Weimting sur Abbach.
La seconde, de 12 000 hommes, commandée par le prince Jean de Liechtenstein, mais avec l'archiduc à sa tête, doit marcher sur Peising par Weilhohe
La troisième, qui comprend les corps de Franz Seraph von Orsini-Rosenberg et de Friedrich Franz Xaver von Hohenzollern-Hechingen, renforcés des grenadiers de la réserve et des cuirassiers, doit se contenter de défendre la route de Landshut à Ratisbonne. Ses 40 000 hommes se tiennent sur la défensive. Ils sont déployés sur les pentes des hauteurs qui bordent la Laber
Les Autrichiens de cette troisième colonne barrent ainsi la chaussée d'Eckmühl, dont ils occupent le château
A la pointe du jour, une fois dissipés les brouillards matinaux, les observateurs français notent une grande activité dans le camp autrichien, laissant présager un mouvement imminent. Mais Charles, conscient que son armée est l'unique ressource dont dispose la monarchie autrichienne, hésite à s'engager dans une entreprise peut-être trop hardie face à un adversaire comme Napoléon. Finalement, l'archiduc décide d'attendre l'après-midi pour attaquer, afin de donner au corps de Kollowrath le temps de rallier Abbach. Il laisse ainsi s'échapper l'occasion qui s'offre à lui. Pas un coup de feu n'est tiré avant midi.
Les combats
Pendant que Charles tergiverse, Napoléon avance. Entre midi et une heure, son avant-garde paraît sur le champ de bataille, arrivant de Landshut par Buchhausen
Les divisions Gudin et Morand s'infiltrent entre Deckenbach et Zaitzkofen
Aussitôt, Davout s'ébranle et détourne l'attention de l'ennemi par une série de fausses attaques tandis que la seule véritable, menée par le 10ème régiment d'infanterie légère, aboutit rapidement et presque sans coup férir à la prise d'Unter-Leuchling. Celle d'Ober-Leuchling est plus meurtrière, les assaillants étant exposés à la fois au feu des troupes occupant les maisons et de celles positionnées dans le bois en-dessus
Mais les Autrichiens n'entendent pas céder sans de nouveaux efforts ce point stratégique. Ils envoient un corps de 8000 hommes assaillir les Français. Epuisés, hors d'état de résister à un tel déploiement de force, ces derniers voient avec soulagement arriver en renfort deux régiments de troupes fraîches qui repoussent l'attaque. Bientôt, c'est tout le corps de Rosenberg qui est repoussé vers la chaussée d'Eckmülh.
Au même moment, au sud, Lannes, qui a passé le Gross-Laaber
Les Autrichiens ont beau tenter de se rallier plus en arrière, leur cavalerie a beau contenir un moment la cavalerie adverse jusqu'à l'intervention des cuirassiers, l'avance française est si rapide et frappe si vite, sa droite à Roking
Au nord, les choses se passent moins bien pour les soldats de Napoléon. Charles d'Autriche y a attaqué la division Friant vers Luckenpoint [Luckenpaint]
Ils seront vains. Même sa présence ne peut inverser le cours de la bataille. Bientôt la chaussée de Ratisbonne est aux mains des Français. Gudin commence à déboucher dans la plaine vers Gailsbach. A dix-neuf heures, Charles décide de se retirer. Le gros des troupes de Rosenberg et Hohenzollern se replie vers l'abri offert par la masse des cuirassiers autrichiens, regroupés près d'Egglofsheim. La cavalerie française de Nansouty et Saint-Sulpice, flanquée des divisions Friant et Saint-Hilaire à gauche, Gudin à droite, les poursuit.
L'affrontement entre les deux masses de cavalerie lourde, l'une voulant couvrir la retraite des siens, l'autre parachever la victoire de son camp, tourne à l'avantage des Français qui forcent leurs adversaires à se replier au galop d'Egglofsheim sur Köfering
Les Autrichiens se replient donc jusque sous les murs de Ratisbonne. La nuit venue, Charles fait jeter un pont de bateaux sur le Danube pour continuer sa retraite le plus vite et le plus discrètement possible.
Bilan et suites de la bataille
L'armée française perd, selon les sources, entre 3 500 et 8 000 hommes, en comptant les morts et les blessés. Les Autrichiens, eux, laissent sur le terrain de 6 000 à 12 000 hommes, auxquels s'ajoutent 4 000 prisonniers.
Napoléon, néanmoins, n'a pas totalement atteint son objectif. Les Autrichiens sont défaits mais non anéantis et pourront poursuivre la campagne en Bohême après leur passage sur la rive gauche du Danube.
Carte de la bataille d'Eckmühl - Positions avant la bataille
Carte de la bataille d'Eckmühl - Positions après la bataille
Tableau - "La bataille d'Eckmühl le 22 avril 1809 à 6 heures du soir : vers la fin de la journée une division de l'armée française et de la cavalerie des généraux Nansouty et Sainte Suzanne poursuivent l'armée autrichienne qui se retire en désordre en direction du Danube". Aquarelle gouachée de Giuseppe Pietro Bagetti.
Le maréchal Davout, en témoignage de cette bataille, sera fait prince d'Eckmühl.
Le général Jean-Baptiste Cervoni
Témoignages
Premier bulletin de la grande armée.
[...]
Bataille d'Eckmülh, le 22.
Tandis que la bataille d'Abensberg et le combat de Landshut avaient des résultats si importans, le prince Charles se réunissait avec le corps de Bohême, commandé par le général Kollowrath, et obtenait à Ratisbonne un faible succès.
Mille hommes du soixante-cinquième, qui avaient été laissés pour garder le pont de Ratisbonne, ne reçurent point l'ordre de se retirer. Cernés par l'armée autrichienne, ces braves ayant épuisé leurs cartouches, furent obligés de se rendre. Cet événement fut sensible à l'empereur; il jura que dans les vingt-quatre heures le sang autrichien coulerait dans Ratisbonne, pour venger cet affront fait à ses armes.
Dans le même temps, les ducs d'Auerstaedt et de Dantzick tenaient en échec les corps de Rosemberg, de Hohenzollern et de Liechtenstein. Il n'y avait pas de temps à perdre. Le 22 au matin, l'empereur se mit en marche de Landshut avec les deux divisions du duc de Montebello, le corps du duc de Rivoli, les divisions de cuirassiers Nansouty et Saint-Sulpice et la division wurtembergeoise. A deux heures après-midi, il arriva vis-à-vis Eckmülh, où les quatre corps de l'armée autrichienne, formant cent dix mille hommes, étaient en position sous le commandement de l'archiduc Charles. Le duc de Montebello déborda l'ennemi par la gauche avec la division Gudin. Au premier signal, les ducs d'Auerstaedt et de Dantzick, et la division de cavalerie légère du général Montbrun, débouchèrent. On vit alors un des plus beaux spectacles qu'aient offerts la guerre. Cent dix mille ennemis attaqués sur tous les points, tournés par leur gauche, et successivement dépostés de toutes leurs positions. Le détail des événemens militaires serait trop long; il suffit de dire que, mis en pleine déroute, l'ennemi a perdu la plus grande partie de ses canons et un grand nombre de prisonniers; que le dixième d'infanterie légère, de la division Saint-Hilaire, se couvrit de gloire en débouchant sur l'ennemi, et que les Autrichiens, débusqués du bois qui couvre Ratisbonne, furent jetés dans la plaine et coupés par la cavalerie. Le sénateur général de division Demont eut un cheval tué sous lui. La cavalerie autrichienne, forte et nombreuse, se présenta pour protéger la retraite de son infanterie; la division Saint-Sulpice sur la droite, la division Nansouty sur la gauche, l'abordèrent; la ligne de hussards et de cuirassiers ennemis fut mise en déroute. Plus de trois cents cuirassiers autrichiens furent faits prisonniers. La nuit commençait; nos cuirassiers continuèrent leur marche sur Ratisbonne. La division Nansouty rencontra une colonne ennemie qui se sauvait, la chargea et la fit prisonnière; elle était composée de trois bataillons hongrois de quinze cents hommes.
La division Saint-Sulpice chargea un autre carré dans lequel faillit être pris le prince Charles, qui ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval. Cette colonne fut également enfoncée et prise. L'obscurité obligea enfin à s'arrêter. Dans cette bataille d'Eckmülh, il n'y eut que la moitié à peu près des troupes françaises engagée. Poussée l'épée dans les reins, l'armée ennemie continua de défiler toute la nuit par morceaux et dans la plus épouvantable déroute. Tous ses blessés, la plus grande partie de son artillerie, quinze drapeaux et vingt mille prisonniers sont tombés en notre pouvoir. Les cuirassiers se sont, comme à l'ordinaire, couverts de gloire.